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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/779

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Ange des hôpitaux ! figure douce et chaste
Que nous offre partout leur enceinte néfaste,
Qui des plus tristes morts adoucis le linceul,
De tout agonisant qui sans toi mourrait seul,
O sœur de Charité, sois à jamais bénie !
De l’héroïque amour n’es-tu pas le génie ?

Il restait un espoir ; du jeune infortuné
Il fallut retrancher un membre condamné.
L’instrument fut sorti : la blême créature !
Dut se tenir debout près du lit de torture.
Debout, elle entendit le grincement du fer ;
Elle vit palpiter les fibres et la chair.

Onze jours, la douleur ardente, inassouvie,
Retourna le fiévreux de la mort à la vie.
Le délire au cerveau lui remontait souvent.
Avec la voix du râle, il parlait en rêvant.
— Laurette ! criait-il dans son angoisse amère ;
Et puis il ajoutait : O ma mère ! ma mère !

Un matin, sa raison sembla renaître un peu :
— Laissez-moi, chère sœur, vous adresser un vœu,
Dit-il à Jacqueline. En France, à mon village,
J’avais une promise aussi belle que sage.
Mon Dieu, que je l’aimais !… En dernier souvenir,
Voudrez-vous bien, ma sœur, lui faire parvenir
La petite médaille à mon cou suspendue ?
Elle me venait d’elle et lui sera rendue.
Le nom de mon amie est Laurette Leroy.
C’est Château-La-Ferté que se nomme l’endroit.

Le soir du même jour, sur le lit mortuaire,
La sœur de charité déroula le suaire.

À quelque temps de là. Laurette recevait
Le souvenir venu de ce triste chevet.
Une humble croix d’argent suivait l’envoi suprême ;
Jacqueline l’offrait, Jacqueline elle-même !


J. AUTRAN.