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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/823

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courent dans les districts du sud, vers un lieu appelé Mokelumnes. Ils se mettent à l’œuvre, et, dès les premiers coups de pioche, découvrent une pépite d’or pesant 4 kilogrammes et d’une pureté qui fait l’admiration générale. Un d’eux se détache pour aller vendre le bloc à San-Francisco, et revient triomphant avec une somme d’environ 14,000 francs en espèces. Surexcitée par un tel début, l’ardeur des associés devient de la fièvre ; mais pendant plusieurs mois ils travaillent (nous allions dire ils jouent) avec un malheur si obstiné, qu’ils dévorent le gain des premiers jours, et tombent dans le dénûment. Encore des gens qui vont maudire la Californie : ils n’en ont pas moins jeté dans la circulation commerciale une somme assez ronde.

Il y a d’ailleurs un moyen de contrôler les rapports qui nous viennent de la Californie et de l’Australie. Il est incontestable que les chercheurs d’or en ramassent au moins assez pour solder les frais auxquels ils sont entraînés. Quel est le nombre des mineurs ? Quel peut être le minimum de leurs dépenses essentielles ? Ces deux termes étant connus, il deviendra facile d’évaluer la productivité des terrains aurifères. Eh bien ! les chercheurs d’or disséminés aujourd’hui sur les placers de la Californie et de l’Australie sont assurément au nombre de 200,000. Les trouvailles de l’année dernière, dans le bilan que nous avons dressé plus haut sont portées à la somme de 765 millions pour les deux pays : C’est donc en moyenne un gain de 3,825 fr. attribué à chaque travailleur. Un tel revenu ne serait-il pas la misère dans des contrées où le pain s’est vendu quatre ou cinq fois plus cher qu’en Europe[1], où le sucre coûte 4 francs le kilo, le sel 5 francs, et le reste à proportion ? Les mineurs se contenteraient-ils de réaliser une dizaine de francs par jour lorsqu’auprès d’eux les plus humbles artisans reçoivent de 15 à 30 francs avec moins de fatigues et de dangers ? En se plaçant à ce point de vue, on commence à craindre que les évaluations produites jusqu’à ce jour, loin d’avoir été exagérées, ne soient encore au-dessous de la réalité.

Les prodigieux accroissemens de l’Australie anglaise ne sont-ils pas une autre preuve de ses immenses ressources ? De 26 millions de francs en 1851, les achats faits à la métropole en 1852 se sont élevés à 101 millions. Chaque semaine, 2,000 émigrans quittent les ports de Liverpool et de Londres pour prendre terre à Sidney ou à Melbourne. Et cependant l’opinion la plus générale parmi les Anglais est que l’Australie n’a pas encore dit son dernier mot. Jusqu’ici on n’y a vu que des aventuriers sans capitaux, sans apprentissage, sans outils, sans esprit de suite : que sera-ce quand des hommes expérimentés commenceront une exploitation rationnelle ! Et puis, cet

  1. En 1852, la farine rendue au Mont-Alexandre se vendait 82 liv, sterl. par tonne anglaise., ce qui équivaut à un peu plus de 2 fr. le kilogramme.