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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/868

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ils semblent se demander si, comme les Serbes, les Bulgares et les Bosniaques, ils ne trouveraient pas plus de profit et de sûreté à se rapprocher des Turcs qu’à les combattre. Espérons donc que les Monténégrins eux-mêmes assisteront pacifiquement aux contestations de la Russie et de la Porte, et que toutes les populations slaves de la Turquie repousseront victorieusement le soupçon de panslavisme dont elles ont été quelquefois l’objet. C’est le meilleur moyen d’intéresser l’Europe à leur cause.


VOYAGE PITTORESQUE EN RUSSIE, par M. Charles de Saint-Julien[1]. — Ce n’est point ici d’un nouvel écrit politique sur la Russie qu’il s’agit, le titre l’indique assez. C’est un tableau fidèle des mœurs et des pays réunis sous cette dénomination commune que l’auteur a voulu tracer. M. de Saint-Julien n’appartient point à cette classe de voyageurs qui ne cherchent dans l’empire des tsars qu’un thème à déclamations et à théories. Il n’est point non plus de ceux qui se préoccupent avant tout de recueillir des faits et des chiffres. Les uns ne voient la Russie qu’à travers leurs systèmes, les autres n’en observent que la vie matérielle. Entre ces deux manières de juger un monde si plein de contrastes et de mystères, M. de Saint-Julien a nettement marqué sa voie. Il nous a donné une relation à la fois agréable et substantielle, où la Russie nous apparaît dans sa vie de chaque jour, où le sentiment de la réalité décrite vivement et dans la mobilité de ses nuances inspire seul le voyageur. Les récits de M. de Saint-Julien ont surtout pour mérite de nous faire pénétrer sans effort dans le courant des traditions et des mœurs russes. Au terme de ce voyage, qui, commencé au milieu des splendeurs de Saint-Pétersbourg, s’achève dans les solitudes glacées de la Sibérie, on a une idée également nette du pays et des hommes, on a parcouru toutes les régions sur lesquelles s’étend la domination moscovite, et on a vécu en quelque sorte avec les populations qui se les partagent. L’ouvrage de M. de Saint-Julien se divise en quatre parties. Trois divisions comprennent la Russie d’Europe ; la quatrième grande section du livre est consacrée à la Russie d’Asie. Il nous suffira de donner une idée de l’ordre des tableaux que ce plan amène sous les yeux du lecteur pour faire saisir l’intérêt de cette série d’études sur les principales provinces russes. On est d’abord, nous l’avons dit, à Saint-Pétersbourg : la grande capitale s’offre à nous sous son double aspect d’été et d’hiver. Nous parcourons ses quais et ses places, nous admirons ses monumens, et ce qui vaut mieux, si l’on veut connaître un des côtés les plus séduisans de la société russe, nous entrons dans ses salons. Les scènes de la vie mondaine se mêlent ainsi aux tableaux de la vie populaire, et le génie russe se montre à nous tour à tour policé par la civilisation européenne ou livré à sa sauvage indépendance. Saint-Pétersbourg est le centre d’une vaste région dont M. de Saint-Julien visite successivement toutes les parties. Il nous conduit d’abord en Finlande, et ne s’arrête dans cette direction qu’à Tornéo, la dernière ville européenne du Nord. Ensuite il entreprend une excursion à Arkhangel en plein hiver, ce qui nous vaut la description d’un de ces ouragans de neige

  1. Un beau volume grand in-8o, avec planches, chez Belin-Leprieur et Morizot, rue Pavée-Saint-André-des-Arts, 3.