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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/887

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Peu à peu la vie retirée que continua à mener en Normandie Mme de Longueville, même après que le retour en grâce du prince de Condé aurait pu lui permettre d’en mener une toute différente, éclaira le roi et la cour sur son vrai caractère, et inspira assez de confiance en sa parole pour que plus d’une fois M. de Longueville la chargeât de venir elle-même plaider ses intérêts auprès du roi. Elle se soumettait à la volonté de son mari, venait à Paris, voyait le roi, lui disait ce qu’elle avait à lui dire, et, sans se donner aucun air d’importance, s’en retournait le plus tôt possible. Cependant Mme de Sablé, qui, de sa cellule, voulait tout savoir, en supposait toujours plus qu’il n’y en avait, et demandait à Mme de Longueville ce qu’elle avait dit au roi :


« Vraiment, cela est plaisant (lui répond celle-ci) qu’on parle de ce que j’ai dit au roi, comme si c’estoit quelque chose ; ce n’est rien du tout de considérable. Ainsi il me serait impossible de vous l’envoyer, car j’ai esté si éloignée de l’escrire, que je ne l’ai quasi pas mesme retenu. Je lui représentai bien simplement, et le plus succinctement que je pus, les griefs de M. de Longueville et les raisons qu’il avoit de prétendre qu’on ne lui mit pas ces gens-là devant lui. »


N’ayant pu se dispenser d’aller à Fontainebleau pour les couches de la nouvelle reine, Marie-Thérèse, elle raconte en ces termes à Mme de Sablé comment elle vit à la cour :


« De Fontainebleau, ce 30 octobre 1661.

« C’est plutost une consolation à la fatigue qu’on a à Fontainebleau de vous faire response que ce n’est une nouvelle fatigue, et rien n’est plus mal nommé que cela ; mais vraiment il ne faut pas une chose moins agréable que le sont les marques de vostre souvenir pour adoucir un peu le chagrin que j’ai ici. Je n’ai pas l’incommodité que vous pensiez, car mon frère a pris la chambre où j’avois tant de bruit, et m’a donné la sienne, où il n’y en a point du tout. Cest la seule douceur de Fontainebleau pour moi, car la mesme extresme hauteur, qui la rend tout à fait exempte de bruit, la rend si inaccessible aux gens qui n’ont pas une furieuse envie de me voir, que comme il y en a fort peu dans cette disposition, j’y suis dans une assez grande solitude pour estre à la cour. J’y passe une partie de ma vie, par bien des raisons, et je ne vois guères la reine-mère que le matin, ou pour l’accompagner à des vespres devant le saint-sacrement qui est exposé, et qui le sera jusqu’aux couches de la reine. Il n’y a nul moyen à une personne qui serait mesme plus aguerrie que moi à demander de prétendre des grâces en ce temps ici. Les justices se refusent quasi toutes, comment donc oseroit-on demander des faveurs ? Quand je vous verrai, je vous dépeindrai la cour, et puis je m’assure que vous m’advouerez qu’elle n’excite point à se faire violence pour en exiger des bienfaits. »


Quand la comtesse de Maure mourut à Paris, au mois d’avril 1663, dans le temps même où M. de Longueville était à l’agonie, Mme de