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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/953

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Ce placet lu au conseil du roi, on y arrêta enfin une résolution ainsi formulée :

« Il a été ordonné que cette présente lettre sera montrée et signifiée audit Chabot par un héraut d’armes du roy, pour à icelle respondre et dire ce que bon lui semblera.

« Fait au conseil du roy, tenu à l’Isle-Adam, le 23 d’avril 1547.

« DE L’AUBESPINE[1]. »


Guienne, héraut d’armes du roi, à la diligence de La Chasteigneraye, ainsi qu’il résulte de son procès-verbal, se rendit le 25 du même mois à Limours chez la duchesse d’Etampes, où il croyait trouver Jarnac ; mais il n’y rencontra que sa femme et plusieurs gentilshommes à la duchesse, entre autres son écuyer, le sire du Pin, MM. de Grelure et de Ville, auxquels il communiqua les pièces dont il était porteur ; puis, rebroussant chemin, il vint à l’Isle-Adam rendre compte de sa mission. Le lendemain 20 avril, il trouvait Jarnac à Saint-Cloud, et lui signifiait le cartel de La Chasteigneraye. Jarnac lui répondit qu’il était le très bienvenu, que lui, Jarnac, se trouvait fort heureux du consentement que le roi voulait bien lui accorder de se mesurer enfin avec son ennemi, qu’avant tout il voulait surtout accomplir la volonté de sa majesté, pour laquelle son affection et son dévouement étaient sans bornes. C’est en présence des sieurs de La Hargerie, de La Rochepozay, de Fontenilles et de plusieurs autres gentilhommes, que Guienne déclare « avoir baillé la présente signification audit Chabot. » Son procès-verbal fut porté au conseil privé du roi, à Saint-Germain-en-Laye. Plusieurs princes, les sieurs connétable et maréchaux de France, et autres seigneurs et capitaines, y avaient été appelés. Les termes respectueux de la réponse de Jarnac y furent unanimement approuvés. La majorité des arbitres présens insistaient pour que le combat n’eût pas lieu ; Henri, qui toujours avait favorisé La Chasteigneraye, en décida autrement. En conséquence, les lettres en forme de patente de camp[2] furent expédiées. Bretagne, héraut d’armes de France, se transporta, le 13 juin, rue Saint-Honoré, au domicile de Jarnac, qu’il trouva en compagnie du capitaine

  1. L’ordonnance était écrite au bas du cartel de Vivonne.
  2. Un extrait de ces lettres suffira pour en indiquer la forme. — « Henry, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. — Comme cy devant François de Vivonne, seigneur de La Chasteigneraye, et Guy Chabot, seigneur de Monlieu, sont entrés en différend sur certaines paroles importantes et touchant grandement l’honneur de l’un et de l’autre…, savoir faisons que nous sommes protecteur des gentilshommes de nostre royaume, et que, pour ce…, avons permis et octroyé… que, dans trente jours…, lesdits Chabot et de La Chasteigneraye se trouvent en personne là par où nous serons, pour là, en nostre présence, ou de ceux lesquels à ce faire nous commettrons, se combattre l’un l’autre à toute outrance en champ clos, et de faire preuve de leurs personnes, l’une à l’encontre de l’autre, pour la justification de l’honneur de celuy auquel la victoire en demeurera, et sur peine, pour le vaincu, d’estre réputé non noble, luy et sa postérité à jamais, et d’estre privé des droits, prééminences, privilèges et prérogatives dont jouissent et ont accoutumé jouir les nobles de nostre royaume, et autres peines en tels cas accoutumées. Et leur sera nostre présente permission vouloir et intention signifiée par l’un de nos hérauts et rois d’armes… Si donnons en mandement à tous nos justiciers et officiers, etc., car tel est nostre bon plaisir. Donné à Saint-Germain-en-Laye le 11 juin 1547, et de nostre règne le premier. HENRY.