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Le premier combat où les témoins, s’ennuyant d’être paisibles spectateurs d’un duel, voulurent y prendre part – fut celui des seigneurs de Caylus, de Maugiron ci de Livarot, contre d’Entraguet, de Ribérac et de Schomberg. Caylus et Entraguet devaient se battre par jalousie, pour une dame de la cour. Ils avaient chacun amène pour témoins, — le premier, Maugiron et Livarot, — le second, Ribérac et Schomberg. Arrivés sur le terrain, Ribérac provoque Maugiron et le force à mettre l’épée à la main ; alors Schomberg et Livarot, trouvant ridicule de rester là sans rien faire, se mirent aussitôt en garde et commencèrent à se combattre. L’issue du combat fut terrible : Maugiron et Schomberg restèrent morts sur la place ; Ribérac, grièvement blessé, mourut le lendemain à l’hôtel de Guise, où on le transporta après l’affaire ; Livarot et Caylus, très gravement atteints, furent déposés à l’hôtel de Boissy, voisin de l’endroit où l’on s’était battu (le duel avait eu lieu dans la rue des Tournelles, au faubourg Saint-Antoine). Quant à Entraguet, qui seul n’avait rien, il se sauva et se cacha, craignant avec raison la colère de Henri III, qui certes ne pouvait lui pardonner la mort très probable de Caylus. Ce jeune favori du roi traîna pendant dix-huit jours encore, et, comme Livarot, mourut de ses blessures. La Taille, qui a décrit ce duel, nous donne de curieux détails. « Henri, dit-il, aimoit tant Caylus, que durant sa maladie il lui portoit les bouillons lui-même, ayant promis cent mille francs aux chirurgiens s’ils le luy pouvoient guérir, et à ce beau mignon cent mille escus pour luy faire avoir courage, nonobstant lesquelles promesses il mourut, ayant toujours à la bouche ces mots : « Ah ! mon roy ! ah ! mon roy ! » sans parler autrement de Dieu et de sa mère. À la vérité, le roy portoit à luy et à Maugiron une merveilleuse amitié, car il les baisa tous deux morts, fit tondre leurs restes, emporter et serrer leurs blons cheveux, osta à Caylus les pendans de ses oreilles que luy mesme auparavant lui avoit donnez et attachez de sa propre main. » L’auteur, en terminant le récit de ce duel, dit que « si on le compare avec tous les autres connus alors, on devoit le trouver pire que le plus mauvais, de quelque façon qu’on put le prendre : sur six combattans, cinq moururent. »

Le second combat où les témoins mirent aussi l’épée à la main ne se termina pas plus heureusement : ce fut celui du baron, depuis maréchal de Biron, contre le seigneur de Carancy, fils de M. de La Vauguyon. Dans cette rencontre, MM. de Loignac et de Janissac étaient témoins de Biron ; M. de Carancy avait avec lui MM. d’Estissac et de La Bastide. Ce duel eut lieu par jalousie pour l’héritière de Gaumont, qu’ils n’épousèrent au surplus ni l’un ni l’autre. MM. de Carancy, d’Estissac et La Bastide furent tués tous les trois. On a remarqué