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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/977

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puisés dans les capitulations de 1740, « les firmans et autres pièces authentiques et valables qui auraient été donnés soit avant, soit après le traité, » provoqua une protestation formelle du général Aupick, protestation qui fut sanctionnée par le gouvernement français. « Pour la France, il s’agit purement et simplement de savoir, écrivait notre ministre le 23 février 1851, si la Porte se considère comme liée encore à son égard par les capitulations de 1740, alors qu’il est parfaitement établi qu’aucun acte auquel la France ait pris part n’en a infirmé la valeur. » Le successeur du général Aupick, M. de Lavalette, reçut de Aali-Pacha une réponse satisfaisante à cette question en juin 1851. La commission mixte fut nommée. Elle était composée de Français et de Grecs sous la présidence d’Emin-Effendi. Elle avait tenu plusieurs séances et s’était montrée favorable aux réclamations des Latins, lorsque l’empereur de Russie adressa au sultan une lettre autographe, où il blâmait la conduite des ministres de la Porte et demandait impérieusement le statu quo dans la possession des lieux-saints. La lettre de l’empereur de Russie amena la dissolution de la commission mixte, que la Porte remplaça par une commission d’enquête exclusivement composée de musulmans. La Porte basa sur le travail de cette commission une décision ambiguë. Par une note du 9 février 1852, elle annonça à M. de Lavalette que l’entrée par la grande porte de Bethléem et le droit d’officier dans la chapelle du tombeau de la Vierge seraient accordés aux Latins ; par compensation, la Porte donnait aux Grecs le droit d’officier dans la mosquée appelée coupole de l’Ascension, privilège qui jusque-là avait appartenu exclusivement aux Latins. Tel était pour le fond des choses l’arrangement adopté par la Porte. C’était un léger changement au statu quo réclamé personnellement par l’empereur de Russie et une mince satisfaction accordée aux Latins, mais la faiblesse de la Porte se trahit d’une façon singulière dans la forme sous laquelle cet arrangement fut présenté aux parties intéressées. M. de Lavalette, se contentant de la substance des concessions qui lui étaient faites, avait accepté avant son départ pour la France, où il venait en congé, la note du 9 février ; tout en faisant des réserves au nom des capitulations de 1740, il promettait que la France laisserait dormir ce traité pendant plusieurs années et peut-être indéfiniment. Mais à peine le ministre de France était-il parti, que la Porte donnait aux Grecs, ou plutôt cédait à la pression de la légation russe, un firman qui, en laissant subsister en fait les concessions octroyées aux Latins, niait implicitement les titres que les catholiques tiraient des capitulations, et par conséquent invalidait un traité français en pleine vigueur. Aussi, au retour de M. de Lavalette à Constantinople, le conflit des influences politiques et des rivalités religieuses recommença-t-il avec