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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/133

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III

Dans le courant de l’été, après des élections un peu moins défavorables aux whigs que les précédentes, Fox, réélu à Westminster, fit un voyage en France avec Mme Fox, qu’il fit alors reconnaître sous son nom. On peut croire que la curiosité de voir la France telle que la révolution l’avait faite et ce premier consul que la révolution avait fait aussi entrait pour beaucoup dans les motifs du voyage ; cependant le but principal était de chercher dans les archives françaises les pièces relatives aux rapports de Louis XIV avec les Stuarts et tous les documens qui pouvaient aider l’écrivain à compléter son histoire commencée. On possède au reste un récit détaillé de cette course sur le continent. Un secrétaire irlandais, qui accompagnait Fox, a écrit avec un enthousiasme vrai et une naïveté déclamatoire des mémoires sur les dernières années de sa vie, où il ne raconte guère que son voyage et sa mort[1]. À l’aide de ce récit abrégé des neuf dixièmes, on pourrait rédiger l’itinéraire que voici :

On était parti de Saint-Ann’s hill le 29 juillet 1802. M. Saint-John, depuis lord Saint-John, était du voyage avec le secrétaire Trotter. La compagnie débarqua à Calais, et prit la route de Lille pour se rendre en Belgique. En traversant les campagnes riches, mais monotones, de la Flandre, on lisait pour s’égayer Joseph Andrews, et Fox pardonnait à Fielding sa vulgarité en faveur de sa vérité. À Calais, à Lille, partout, il était accueilli avec empressement ; les autorités et le peuple le fêtaient comme un ami de la France. Quand il traversa ces belles villes de Gand et d’Anvers, où manquait leur plus bel ornement, les tableaux de Rubens, ces grandes cités hollandaises, où il ne trouvait plus de maison d’Orange, mais des garnisons françaises, il ne put sans surprise et même sans tristesse songer qu’il était encore dans le rayon de notre domination, et contempler les résultats de la politique qu’il avait combattue au péril de son repos et de sa renommée. Il se faisait lire alors le huitième et le neuvième livre de l’Enéide. Charmé de la mélancolie qu’il admirait comme le trait distinctif de Virgile, il répétait avec émotion les beaux vers d’Evandre priant pour la vie de son fils, ou de la mère d’Euryale pleurant sur la mort du sien. Il traversa en touriste les lieux célèbres de la Hollande, La Haye, Leyde, Amsterdam, Rotterdam, et il arriva à Bruxelles, où il termina la lecture de l’Enéide, non sans s’être ému, avec le plus sensible des poètes, à la mort de Pallas et de Lausus. Pour entrer en France, il quitta Virgile et revint à Fielding ; Tom

  1. Memoirs of the latter years of the R. H. C. J. Fox, by J. B. Trotter, 3e édition, Londres, 1811.