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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/141

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de la couronne ; il ne se trompait pas en prévoyant qu’elle apporterait à la France un surcroît de puissance et de gloire. Il était en cela dans le vrai de la politique. Quoi qu’il advînt d’ailleurs, il voulait avoir conseillé la paix jusqu’au bout, et la prolonger du moins jusqu’au moment où la rupture serait plus motivée et la guerre plus juste. Cette façon de voir différait peu de celle du cabinet. Quant à Pitt, il ne venait point au parlement, il s’absentait de Londres ; mais quoiqu’il n’épargnât pas Addington dans la conversation on le disait pacifique. Dans cet instant, Pitt devait être accusé par Canning d’être trop ministériel, et Fox par Sheridan de ne l’être pas assez.

Fox faisait peu de cas des ministres ; mais il était décidé à les appuyer en tant qu’ils défendaient la paix, ou plutôt à la défendre en même temps qu’eux. Son concours n’allait pas au-delà. Il ne pouvait croire néanmoins que leur pouvoir fût de longue durée, et pour dire la vérité, il ne le désirait pas. Il prévoyait qu’un jour, virement attaqués par Grenville, Windham, Canning, délaissés par Pitt, ils auraient besoin de secours, et dans cette hypothèse son vœu secret eût été que ses amis de confiance, Lauderdale et Grey, pussent entrer au pouvoir avec de bonnes conditions. Malheureusement il n’était pas assuré d’obtenir d’eux un pareil dévouement. Il fallait même, pour le leur demander, croire comme lui la situation tellement extrême qu’on ne pouvait songer à soi, et qu’on devait se trouver heureux d’empêcher un peu de mal. Avec le danger de la guerre, il y avait l’autre danger, dont il se préoccupait jusqu’au découragement, l’influence usurpatrice de la couronne. Elle en était venue à éloigner un ministre aussi puissant que Pitt, à l’intimider, à le paralyser jusque dans l’opposition. On le disait presque résigné à abandonner au roi l’Irlande et les catholiques pour rentrer en grâce. L’appui du roi suffisait pour soutenir le plus faible des ministères. La discussion avait perdu tout empire sur les chambres. Lui-même, Fox, était réduit à tolérer, presque à seconder un cabinet de cour et à combattre ainsi Grenville et Windham, qui du moins savaient rompre franchement avec la royauté, et à qui il reconnaissait quelques vertus parlementaires. Cette fatale question de la guerre tenait dispersés ces tronçons d’opposition, dont on ne pouvait former un tout ni pour combattre ni pour gouverner. Dans cette passe difficile Fox prit sa résolution.

On ne peut ignorer aujourd’hui ses sentimens. Son âme toute nue se montre dans sa correspondance. Lord Holland voyageait alors en Espagne, et nous avons les lettres où Fox lui résume de temps en temps sa situation, tout en lui racontant ses lectures classiques et en devisant sur Cervantes et Lope de Vega. Une autre correspondance est plus instructive encore. Grey était devenu l’homme le plus considérable du parti. Dès 1795, Fox écrivait à lord Holland : « Grey