Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/445

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

couvertes exclusivement de chardons, de trèfle et de bruyères. Une des plus curieuses conséquences de la marche bien observée des saisons, c’est que les riches moissons qui alimentent en Europe le quart du genre humain sont, quant à leur cause, dues à l’hiver tout autant qu’au printemps, qui développe les céréales, et à l’été, qui les mûrit. En effet, si le blé n’était pas astreint à périr dans l’hiver, si ce n’était pas, suivant l’expression des botanistes, une plante annuelle, elle ne monterait pas en épis et ne produirait pas les utiles récoltes qui, depuis Cérès et Triptolème, ont assuré l’alimentation des populations nombreuses de l’Europe, et même ont donné naissance à ces populations. Pour se convaincre de cette vérité, il n’y a qu’à descendre plus au midi, dans l’Afrique, dans l’Asie et dans l’Amérique. Dès que l’on arrive dans un climat où l’hiver ne tue point nécessairement les céréales, la plante devient vivace comme l’herbe l’est chez nous ; elle se propage de rejetons, reste constamment verte, et ne fait ni épis ni grain. Là, ce sont d’autres végétaux, comme le millet, le maïs, le doura et diverses racines, qui donnent les fécules nutritives. Cet effet du climat est surtout frappant dans les contrées équatoriales qui, comme le Pérou, présentent de grands plateaux dont l’élévation abaisse la température, et où le blé monte en épis et donne des moissons, tandis que cela n’arrive jamais dans les plaines inférieures. L’organisme de la plante, par un inconcevable miracle, semble pressentir la nécessité de passer par l’état de graine pour ne pas périr complétement pendant la saison rigoureuse. J’ai remarqué qu’une cause analogue produit des récoltes de céréales dans une localité intertropicale, dans l’île de la Jamaïque : là toutes les parties de l’île qui ont une saison sèche, c’est-à-dire une saison où toutes les plantes meurent de sécheresse, ont du blé ; car cette plante, par le même pressentiment organique que nous avons déjà indiqué, se hâte de monter en graine et de fructifier aux approches de la saison qui doit la dessécher. Au reste c’est une expérience que tous ceux qui ont un jardin peuvent faire pendant l’été, car pour bien des légumes, si on cesse de les arroser abondamment on les voit en quelques jours perdre leurs qualités alimentaires pour prendre une tige ligneuse et arriver promptement à la maturation de leurs semences.

À la fin du printemps et au commencement de l’été, le soleil, qui s’est avancé vers le nord, fait pulluler dans notre hémisphère et jusqu’auprès du pôle toutes les espèces animales, comme il fait naître et se développer les espèces végétales. Quadrupèdes, oiseaux, poissons, amphibies, insectes, mollusques, animaux microscopiques, peuplent les terres et les mers septentrionales, soit par naissance locale, soit par immigration. À voir dans ces régions le nombre et la taille des êtres vivans, on peut douter que pour la totalité l’équateur puisse rivaliser avec le cercle polaire. Sans compter l’ours, le renard, le lièvre, le bœuf sauvage, quelles myriades d’oiseaux de mer et de rivages ! quelle masse vivante que ces bancs migratoires de harengs qui viennent sur nos côtes enrichir nos pêcheries et celles de l’Europe septentrionale !



… Ubi Scandia dives
Halecas totum mittit piscosa per orbem.


On sait que les Hollandais ont élevé une statue à celui qui le premier trouva