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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/458

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les destinées de l’Europe tout entière, cela paraît assez clair. Chose à remarquer, sauf les événemens nouveaux qui ont pour effet de compliquer la lutte, d’aggraver les sacrifices des états de l’Occident et de leur imposer des obligations plus étroites, les conjonctures actuelles sont la reproduction en quelque sorte de la situation où se trouva un moment l’Europe il y a une année à pareille époque. Alors aussi une grande tentative pacifique fut faite. La France, l’Angleterre et l’Autriche s’unissaient diplomatiquement pour proposer une transaction au cabinet de Pétersbourg. La Russie de son côté, dans l’espoir de briser dans le germe l’alliance des trois puissances, souscrivait aux quatre points de garantie d’abord d’une façon vague, puis plus formellement, — le traité du 2 décembre une fois signé. De même récemment, dans ses rapports avec l’Allemagne, elle s’essayait à l’acceptation d’un des principes adoptés en commun par les trois puissances dans leur accord nouveau. Ce qui est arrivé l’an dernier est dans toutes les mémoires. La Russie obéira-t-elle aujourd’hui au même esprit ? Si elle refusait d’adhérer à la transaction nouvelle qui lui est offerte, la situation se dessinerait immédiatement dans sa terrible simplicité. Si elle l’accepte au contraire sous une forme quelconque, sera-ce sans détour, sans subterfuge, ou dans le dessein d’atermoyer encore et de jeter la dissension dans les conseils de l’Europe ? Tout est dans cette question, et ici les conjectures ne peuvent se fonder que sur l’appréciation exacte de l’état réel des choses et des dispositions respectives de tous les pays directement ou indirectement mêlés au grand conflit contemporain.

L’incident qui a réveillé un moment quelques espérances de paix, on le connaît, c’est la mission qu’a reçue le comte Valentin Esterhazy de porter à Saint-Pétersbourg des propositions formulées et stipulées d’un commun accord par l’Angleterre, la France et l’Autriche. Cette mission est aujourd’hui un fait accompli, en ce sens du moins que les dépêches dont le comte Esterhazy était chargé sont entre les mains du tsar depuis le 28 décembre. Le texte même des propositions que l’Autriche a communiquées à Saint-Pétersbourg n’est plus le mystère des gouvernemens ; il a été livré aux commentaires de l’Europe. Dans leur essence, ainsi que nous le disions récemment, ces propositions ne sont autre chose que les quatre garanties plus nettement formulées, précisées sur certains points et interprétées de nouveau après une année de campagne. Tout protectorat, toute ingérence de la Russie doit cesser dans les principautés, qui recevront une organisation conforme à leurs vœux, à leurs intérêts et à leurs besoins, et qui devront de plus adopter un système de défense permanent, réclamé par leur position géographique en vue de toute agression étrangère. La Russie devrait consentir aussi à une rectification de frontières qui compléterait ce système de défense, et dont le tracé au surplus est renvoyé à la conclusion définitive de la paix. Des institutions européennes où seraient représentées les puissances contractantes garantiront la liberté du Danube et de ses embouchures. Chacune des puissances aura le droit de faire stationner un ou deux bâtimens légers aux embouchures du fleuve. La Mer-Noire deviendra désormais une mer neutre, c’est-à-dire ouverte aux bâtimens marchands et fermée aux marines militaires. Il n’y sera créé ni conservé des arsenaux militaires