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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/526

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les places du roi, de la reine, et l’endroit où les religieuses avaient leurs places. Les deux compagnies qui étaient plus proches du roi étaient vêtues de grandes robes de damas violet, avec des lames d’or sur l’estomac ; les deux autres portaient de longues casaques, tirant sur le noir, et chaque soldat avait un grand cimeterre tout garni d’argent ; ils étaient tous en leur rang, et pas un d’eux ne bougeait et ne disait mot. — Quand les religieuses entrèrent en la salle, on les conduisit en ce lieu couvert, à la main gauche du roi ; le capitaine espagnol, les deux principaux seigneurs de sa suite et les deux religieux s’approchèrent du roi, et lui firent toutes les révérences à l’espagnole, la tête découverte, et n’oubliant rien de leurs graves cérémonies. Le roi ne manqua pas de leur rendre libéralement pour le moins autant, avec plusieurs belles paroles d’estime et de courtoisie ; puis les fit tous asseoir en des sièges élevés, qu’on avait préparés pour eux, et commanda à tous les soldats de s’asseoir à terre, les pieds croisés, ce qu’ils firent en un instant et sans bruit. — La cérémonie commença par une belle collation, que l’on apporta sur plusieurs tables rondes, vernissées et dorées ; chacun avait la sienne ; elles étaient pleines de fort bonne viande, avec une magnificence royale ; le roi les invitait à manger, et priait de loin les dames religieuses de faire bonne chère ; pendant la collation, les demoiselles de la cour dansèrent un beau ballet, et messieurs les Espagnols avouaient qu’en leur pays on ne faisait pas mieux, ni même peut-être si bien. — La collation finie, le roi voulut que les religieuses sortissent hors de leur enclos et passassent vers la fenêtre où était la reine : elles sortirent, toujours bien voilées, passèrent devant le roi, et le saluèrent ; puis elles allèrent auprès de la reine, où elles s’assirent. La première chose que cette princesse leur demanda fut qu’elles posassent leur voile, parce qu’elle voulut voir s’il était bien vrai qu’elles rasassent leurs cheveux, ce que personne ne voulait croire en cette cour. Les religieuses dirent qu’elles ne pouvaient pas mettre bas leur voile, particulièrement à la vue de tant d’hommes ; mais elles le levèrent devant la reine, et lui firent voir leur visage. Le roi en fut un peu offensé, et dit que, puisqu’il leur montrait son visage, il ne savait pas pourquoi elles refusaient de se découvrir. — La reine, qui aime fort les idoles, leur demanda quelle était leur loi, et quelles sortes de prières elles chantaient ; ces bonnes religieuses répondirent constamment ce qu’elles devaient, mais la femme qui leur servait d’interprète ne rapporta pas fidèlement leurs réponses. Lors la reine commanda à l’une de ses dames de mettre la main sur la tête des religieuses, et de voir si elles étaient rasées comme l’on disait ; cette dame toucha la tête de la plus âgée, et n’y ayant point trouvé de cheveux, s’écria tout haut qu’il était bien vrai : cela fut tenu comme une très grande merveille. — Cet entretien dura plu-