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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/579

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cinquante ans s’étaient écoulés depuis Phidias : qu’était l’école de Raphaël ou l’école de Titien cent cinquante ans après le maître ? Enfin, si le casque figuré sur ce tétradrachme répondait aux descriptions de Pausanias, il faudrait bien se faire violence et reconnaître que Phidias a eu de tristes interprètes ; mais au contraire le tétradrachme ne présente ni le sphinx ni les griffons dont parle Pausanias : en échange, il porte deux pégases et quatre chevaux[1], dont il ne parle pas.

Laissons une conjecture sur laquelle je me suis peut-être trop longuement étendu. On ne saurait trop regretter que M. Simart ait consacré à une idée malheureuse plus de temps et de talent que n’en eût demandé une idée simple qui eût été conforme au témoignage des auteurs, car je regarde comme un tour de force d’avoir traduit en ronde-bosse le travail minutieux d’une intaille. L’esprit grec, esprit philosophique par excellence, avait bien compris les exigences des différentes branches de l’art. Le même sujet était traité d’une manière souvent opposée par le peintre ou par le sculpteur, par le graveur en médaille ou par le graveur en pierre dure. Quand les artistes se copiaient les uns les autres, ils imitaient librement. Parmi tant de statues antiques qui se répètent, il est rare de ne pas trouver des changemens dans le style, dans les gestes et surtout dans les attributs. À proprement parler, on ne copiait point un chef-d’œuvre, on s’en inspirait, tandis qu’aujourd’hui nos copies sont mises au point. Combien la liberté ne devenait-elle pas plus grande, lorsque l’imitateur se proposait en même temps de faire valoir les couches inégales d’un camée, ou de montrer sa subtilité à creuser la cornaline et le jaspe, ou d’assurer à son coin un beau relief et un facile dépouillement ! C’est ce que ne considèrent point assez ceux qui cherchent sur les petits objets de ce genre, non pas seulement des indications, mais des modèles pour la grande sculpture. Encore les indications elles-mêmes sont-elles contradictoires.

J’ai sous les yeux une planche que M. le duc de Luynes a bien voulu me communiquer ; il y a réuni les monnaies d’époques et de pays divers, sur lesquelles est représentée Minerve en pied, portant une Victoire dans sa main étendue. Il est permis d’y voir une réminiscence du célèbre type de Phidias. Eh bien ! ici la Victoire est tournée vers la déesse, là vers la foule ; plus loin elle se présente de face. Tantôt la pointe de ses ailes est dressée vers le ciel, tantôt

  1. Dans l’intention du graveur ancien, la visière ne devait être vraisemblablement surmontée que de quatre chevaux, le quadrige panathénaïque ; mais, par un procédé familier aux graveurs grecs, il a supposé sa visière tournée de trois quarts : au lieu de montrer seulement deux chevaux en profil, il les montrait tous les quatre. Il ne fallait donc pas doubler ce nombre et en faire huit.