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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/689

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REVUE. — CHRONIQUE.

devoir, par l’honneur même de l’Angleterre. C’était un grand avantage dans le débat, et en cas d’échec au sein du parlement c’était une grande ressource pour réussir en faisant appel au pays. — Aujourd’hui, la paix devenant possible, il perd cette triple excuse de la nécessité, du devoir, de l’honneur. Il ne poursuivrait plus la guerre que par une sorte de fantaisie. Or une fantaisie qui coûte tant d’or et tant de sang peut bien passer par la tête d’un homme, si l’ivresse du pouvoir lui donne un moment de vertige, mais elle ne saurait être supportée longtemps par un peuple qui a un bon sens profond, une dette de 23 milliards, des impôts portés à leur maximum[1], et dont la véritable vocation est bien moins d’étonner le monde par des prouesses militaires que de le conquérir pacifiquement au progrès par les splendeurs de sa civilisation.

J. Perodeaud.

REVUE LITTÉRAIRE.

La comédie par laquelle M. Paul de Musset vient d’aborder le théâtre, — la Revanche de Lauzun, — a obtenu un succès qui doit encourager l’auteur et lui prouver qu’il a tout ce qu’il faut pour se faire écouter. La franchise du dialogue, la gaieté des reparties lui ont tout d’abord concilié le parterre et les loges. Ses amis lui diront peut-être qu’il n’a plus rien à apprendre, que la voie est ouverte devant lui, qu’il n’a plus qu’à marcher sans consulter personne. Qu’il se défie de ses amis, s’ils lui accordent des louanges sans réserve. J’ai entendu avec plaisir la Revanche de Lauzun, j’ai ri avec tout le monde, et je reconnais volontiers que c’est un agréable divertissement. Cependant le talent de M. Paul de Musset est de trop bonne maison pour ne pas exiger un avis sincère, et je lui dirai sans détour que son œuvre nouvelle, bien qu’applaudie, est plutôt une spirituelle espièglerie qu’une comédie dans le vrai sens du mot. La rapidité de l’action, les traits d’esprit qui ne se font jamais attendre, peuvent effacer pendant une soirée les défauts que je signale. L’heure de la réflexion venue, et cette heure vient toujours, le spectateur s’aperçoit qu’il n’a pas assisté à la représentation d’une œuvre comique. M. Paul de Musset est connu depuis longtemps comme un aimable conteur. Il sait intéresser, il sait émouvoir ; il voit bien, il observe avec finesse, il donne à ses souvenirs une tournure leste et pimpante qui plaît aux lecteurs et surtout aux lectrices. Toutes ces qualités, dont je n’entends pas contester la valeur, se retrouvent dans la Revanche de Lauzun. C’est le même éclat, la même fraîcheur, la même jeunesse, le même entrain. La plupart des œuvres jouées sur nos théâtres depuis quelques années ne sont que des répétitions de choses déjà connues. Le parterre, en les écoutant, applaudit de confiance des plaisanteries apostillées déjà par les applaudissemens de l’année précédente. Rien de pareil chez M. Paul de Musset ; l’esprit dont il use est bien à lui. Ses épigrammes sont tirées de son propre fonds. C’est là sans doute un précieux avantage. L’agréable soirée que nous devons à l’auteur ne change pourtant rien aux

  1. Exemple : l’impôt sur le revenu, qui, en 1854, s’élevait à 185 millions, a atteint, en 1855, près de 350 millions. La charge a été presque doublée de ce chef-là seulement !