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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/692

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REVUE DES DEUX MONDES.

fondé à dire que la comédie de M. Paul de Musset, envisagée dans son ensemble, ne mérite pas pleinement le titre qu’elle porte. Si M. Paul de Musset veut toucher le but, il doit renoncer aux traveslissemens, et oublier la muse de Scarron pour ne consulter que la muse de Molière. Il prendra le succès de la Revanche de Lauzun pour ce qu’il vaut, pour une excellente entrée de jeu, et ne négligera rien pour contenter ceux qui ont confiance en son talent.

Gustave Planche.


PUBLICATIONS EN ALLEMAGNE SUR LESSING.

Le mouvement des recherches sérieuses ne se ralentit pas en Allemagne. Il semble que ce docte pays veuille se dédommager par les travaux de l’intelligence de l’inaction forcée à laquelle l’a condamné la politique cauteleuse ou pusillanime de ses gouvernemens. Jamais la librairie allemande n’a été plus riche en publications d’un ordre élevé. Les sciences viriles qui consolent et fortifient la pensée, — la philosophie, la théologie et l’histoire, — sont cultivées avec une persévérance et une ardeur où il y a plus que de l’enthousiasme littéraire ; on y sent le feu sacré du patriotisme.

Parmi tant de travaux si dignes d’estime, parmi tant d’œuvres et d’entreprises qui attestent le réveil des esprits, il faut signaler au premier rang les études consacrées aux écrivains que l’Allemagne appelle justement ses classiques, c’est-à-dire aux esprits supérieurs qui furent, il y a cent ans, les promoteurs d’une littérature vraiment nationale et qui restent, en définitive, les maîtres des générations survenantes. Goethe, Schiller, Herder ont été l’objet des recherches les plus précises et des plus intelligens commentaires. Lessing, le premier en date dans ce groupe illustre et le chef d’une révolution qui dure encore, ne pouvait être oublié par cette critique respectueuse et féconde. C’est un heureux symptôme que le retour du public lettré à ce vigoureux esprit, car il n’est pas de conseiller intellectuel et moral qui puisse exercer sur nos voisins une action plus efficace. Quel bon sens ! quelle fermeté ! comme il met l’intelligence en garde contre les séductions du mysticisme ! comme il inspire le sentiment de la dignité humaine ! comme il relève les âmes découragées et leur fait désirer les émotions de la vie publique ! Son exemple et ses ouvrages sont une exhortation virile. L’Allemagne le sait, et chaque fois que sa conscience nationale est affligée ou inquiète, on dirait qu’elle relit Lessing avec plus de reconnaissance et d’amour. La belle édition critique des œuvres complètes de l’auteur de Nathan donnée en 1839 par Lachmann était entièrement épuisée ; un libraire très distingué de Leipzig, M. Goeschen, qui avait déjà provoqué l’excellent travail de Lachmann, en publie aujourd’hui une édition nouvelle, et il en fait un véritable monument littéraire sur lequel nous nous empressons d’appeler l’attention des esprits studieux[1].

On sait quelle était la science de Lachmann et quels services il a rendus à la littérature de son pays. Y a-t-il beaucoup d’érudits en Europe qui sachent pénétrer avec la même sûreté de critique, avec la même profondeur

  1. Gotthold Epraim Lessing’s sämmtliche Schriften, herausgegeben von Lachmann. Aufs neue durchgesehen und vermehrt von Wendelin von Maltzahn, 9 volumes publiés. Leipzig, Goeschen, 1853-1835. — Paris, Glaeser, rue Jacob, 9.