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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/719

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quer d’argent, et ne sachant comment s’en procurer, il lui vint à l’esprit de vendre une de ses femmes à un chef indien moyennant dix chevaux. Le marché fut conclu, et Parley Pratt annonça à sa femme spirituelle qu’il continuait à la chérir spirituellement, mais qu’il se voyait dans la dure nécessité de la livrer corporellement à un sauvage. La pauvre femme se mit à pleurer à chaudes larmes, et fut si vivement affectée (on le serait à moins en effet), que lorsqu’elle fut présentée au chef indien, elle n’avait plus aucune trace de beauté. Les joues étaient pâles et fiévreuses, les yeux rougis, le visage complétement bouleversé par la douleur. Le chef indien la refusa en disant qu’il ne faisait point de pareils marchés, et qu’il avait entendu acheter une femme en bon état. — Le plus chargé de tous ces pontifes, patriarches et apôtres est le docteur Williams Richards. Nous ne répéterons pas l’horrible histoire dont l’accuse l’auteur du Mormonisme dévoilé, histoire pleine de faux sermens, de basses passions, de mensonge et de sang. Ce sont de ces crimes dont on ne peut parler que lorsqu’on en a été le témoin, et dont on ne doit pas se faire l’écho, l’homme auquel ils sont imputés fût-il le plus misérable des coquins de ce monde. Nous remarquerons seulement que ses compatriotes s’accordent assez généralement à lui appliquer l’épithète puritaine de pécheur, sinner, — un vieux pécheur à tête grisonnante, a hoary headed old sinner, dit l’auteur de très agréables articles sur la vie des mormons récemment publiés dans le Putnam’s Monthly, de New-York, et à qui nous devons quelques-unes de ces anecdotes. Quoi qu’il en soit de l’histoire de Maud et de Rose Hatfield, le docteur Williams Richards continue, paraît-il, à remplir de son mieux (il doit approcher de la soixantaine) les devoirs du sacrement de la polygamie. Une des beautés de son harem se nomme Suzanne Lippincott, c’est une des sultanes d’Utah les plus remplies de l’esprit prophétique. L’écrivain du Putnam’s Monthly, que nous croyons aussi être une dame, entendit la sultane prophétiser dans une langue inconnue, sans doute l’égyptien réformé, langue assez pauvre, s’il faut en juger par le spécimen qu’il nous donne. Nous ne voulons pas en priver le lecteur, le voici : Eli, ele, ela, elo. — Comi, coma, como. — Reli, rele, rela, relo. — Sela, sele, selo, selum. Il paraît que cette langue prophétique est à peu près toujours semblable, et son mécanisme de la même simplicité, car, dans la même séance, un certain docteur Sprague, s’étant senti en train de prophétiser et d’imposer les mains à une malade, s’écria de son ton le plus inspiré : Vavi, vava, vavum. — Sere, seri, sera, serum. Une mormone, qui était chargée ce soir-là de l’office d’interprète, expliqua à l’assemblée le sens de ces vociférations. Cela signifiait que le ministre de Dieu appelait sur la malade toutes les bénédictions du ciel, que tous ses