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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/780

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supérieur, qui toutes, sans en être membres nominalement, faisaient au fond cause commune avec elle, et la secondaient de leurs armes quand elle en avait besoin. Plus à l’est encore, la Bavière, vassale de la France, mais vassale longtemps réfractaire, flottait incertaine au gré des chances de la guerre, tandis que la Thuringe, partie intégrante de l’empire frank, se débattait encore sourdement sous la main de ses maîtres. Arrière-ban de la Germanie barbare et païenne, qui menaçait d’une nouvelle invasion les contrées du midi soumises à des Germains devenus chrétiens et civilisés, les Saxons se montraient animés d’une double passion de conquête et de fanatisme religieux. En vain les Franks, conduisant de front à leur tour la religion chrétienne et la guerre, forçaient les Saxons vaincus à se faire baptiser et à recevoir des prêtres parmi eux : les Saxons, au premier rayon d’espoir, relevaient la colonne d’Irmin, l’idole des vieux Germains, et massacraient leurs prêtres chrétiens. Le pillage de la rive gauche du Rhin était l’accompagnement ordinaire de ces insurrections religieuses. Le sort avait donné pour chef aux Saxons un barbare habile et heureux qui balança quelque temps la fortune de Charlemagne, Witikind, l’Arminius de ce dernier âge de la Germanie.

Le second ennemi de Charlemagne, l’empire grec, avait alors à sa tête une femme, mais une femme de génie, l’impératrice Irène, mère et tutrice du jeune empereur Constantin VI, surnommé Porphyrogénète. Autant Witikind déployait d’audace et d’activité guerrière pour retarder le progrès des Franks dans le nord de l’Europe, autant l’impératrice Irène montrait d’adresse à leur créer des embarras en Italie. Les Franks n’étaient arrivés à la domination de ce pays que par la faute des empereurs grecs, ennemis du culte des images, Léon l’Iconomaque et Constantin Copronyme, dont le fanatisme follement persécuteur força les possessions grecques de la Haute-Italie à se rendre indépendantes de l’empire d’Orient, et l’église romaine à se séparer de l’église grecque. Tandis que les villes de l’exarchat et de la pentapole, groupées autour de la papauté, cherchaient à se constituer en état libre, les rois lombards, profitant de leur faiblesse, avaient voulu les asservir et menaçaient Rome et le pape lui-même. C’est alors que Pépin, puis Charlemagne avaient passé les Alpes à l’appel du pape et des Italiens, que le roi Didier, renversé du trône des Lombards, avait été jeté dans un cloître, que le trône lui-même avait suivi ce roi dans sa chute, et qu’un nouveau royaume d’Italie, placé sous la suprématie de la France, avait été fondé par Charlemagne en faveur de son second fils Pépin.

Les anciennes possessions grecques de la Haute-Italie, réunies à la ville de Rome, formèrent dès lors, sous le nom de patrimoine de saint Pierre, un petit état dont le pape était le chef,