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précieuses pour le navigateur. Les paysages polaires n’ont d’ailleurs pas d’autres traits : l’œil, déshabitué des couleurs riantes et vives, n’a plus à étudier que les nuances infinies de la mer, des glaces, et d’un ciel toujours gris ; cette nature froide et voilée ne s’anime que rarement, quand les rayons d’un soleil oblique parviennent à percer les brumes éternelles, dont le manteau épais recouvre les plaines de glace et d’eau.

C’est au sud des îles Orkneys que Dumont d’Urville découvrit environ cinquante lieues de côtes auxquelles il donna le nom de terre Louis-Philippe et terre Joinville, et un grand nombre d’îlots qui forment une chaîne qui leur est parallèle, et font partie de l’archipel des Nouvelles-Shetlands. Les terres de Louis-Philippe et de Joinville sont recouvertes par d’immenses glaciers qui descendent de cimes élevées à six ou huit cents mètres au-dessus de la mer, et sont sur le prolongement de la terre de la Trinité et de celle de Graham. Ross, qui a visité depuis les mêmes régions, découvrit dans la partie méridionale de la terre de Louis-Philippe des pitons extrêmement élevés, entre autres le mont Penny et le mont Haddington, qui atteint la hauteur de 2150 mètres ; il les contourna entièrement et vérifia que cette terre est seulement une grande île. On ignore encore aujourd’hui si cet archipel, le plus grand de toute la zone antarctique, est isolé ou forme la portion avancée d’un continent dont peut-être la terre de la Trinité et la côte allongée qui porte le nom de terre de Graham feraient déjà partie.

Ici s’arrête la première campagne de Dumont d’Urville. Son équipage était malade et extrêmement fatigué, et il fallut reprendre le chemin du nord. L’année suivante, les corvettes françaises quittèrent Hobart-Town dès le commencement de janvier. Dumont d’Urville chercha à pénétrer cette fois dans la zone antarctique par un point diamétralement opposé au premier. Il se retrouva bientôt au milieu des glaces, mais sous la latitude même du cercle antarctique il découvrit la terre. De hautes montagnes de glaces étaient accumulées, comme des défenses naturelles, devant la longue côte d’une terre élevée à 4 ou 600 mètres. Les officiers purent s’avancer sur un canot, à travers l’effrayant labyrinthe des glaces, jusqu’à un petit îlot placé en face de la côte. Ils touchèrent terre, plantèrent le pavillon aux trois couleurs, prirent possession au nom du roi de France, ils emportèrent même quelques échantillons des roches, quartzites et gneiss granitiques, qui formaient la terre nouvelle.

Dumont d’Urville en traça la côte sur une trentaine de lieues entre la longitude de 136 et de 142 degrés ; elle ne sort pas, dans cette limite, des environs du cercle polaire. Cette terre, que le commandant français nomma terre Adélie, est morte et désolée ; elle ne porte