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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/900

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divers changemens viennent d’avoir lieu dans le personnel du ministère des affaires étrangères. M. Lefebvre de Bécour a quitté la sous-direction des affaires du nord pour passer au poste de ministre plénipotentiaire au Parana, dans la Confédération Argentine. Au milieu de toutes ces complications qui s’agitent toujours dans la Plata, nul mieux que le nouveau ministre ne peut parvenir à conduire les affaires de la France avec la sûreté d’un esprit à qui toutes ces questions sont familières. M. de Bécour a pour successeur au ministère des affaires étrangères M. H. Desprez, dont on connaît les travaux sur l’Orient, et qui a commencé avec succès comme écrivain l’étude de ces grandes affaires, dont il a aujourd’hui à s’occuper dans une position officielle. Une nouvelle sous-direction a été créée en même temps pour les affaires d’Amérique et confiée à M. Noël, attaché depuis plusieurs années au département.

Le mouvement des choses diplomatiques éclipse naturellement ce qui reste parmi nous de vie politique intérieure, et cependant au moment même où le congrès va s’ouvrir, ou du moins peu après, le sénat et le corps-législatif vont se réunir à leur tour ; ils sont convoqués pour le 3 mars. On n’a point oublié peut-être un article du Moniteur qui venait récemment provoquer l’activité du sénat. Le sens de cet article semblait assez énigmatique ; il est devenu plus clair par une publication officielle subséquente, qui offre en effet au sénat de quoi s’occuper. Les conseils-généraux émettent chaque année des vœux dictés par la connaissance qu’ont ces assemblées départementales de tous les besoins, de tous les intérêts du pays. Ces vœux annuels ont été réunis depuis 1851, et devront être communiqués au sénat comme un ensemble de documens où ce corps peut puiser toutes les lumières nécessaires pour proposer des mesures d’utilité publique. Il en a été décidé ainsi d’après un rapport adressé par M. le ministre de l’intérieur au chef de l’état. Cette mission confiée au sénat peut en effet, suivant les circonstances, acquérir une certaine importance. Il s’agit simplement de recueillir dans leur spontanéité les vœux, les désirs, les espérances et les justes aspirations d’un pays où se réveille toujours, sous une forme ou sous l’autre, l’énergie morale ou intellectuelle.

Il y a certes dans la vie contemporaine une confusion qui la rend difficile à saisir pour l’esprit politique, et plus difficile encore à reproduire pour l’esprit littéraire. On risque souvent de marcher de contradictions en contradictions, d’incohérences en incohérences. Cette confusion néanmoins laisse apercevoir un fait supérieur : c’est cette sorte de solidarité de principes, d’aspirations ou d’intérêts, qui se révèle entre les peuples et leur crée pour ainsi dire un même but, vers lequel ils se dirigent par des chemins différens. Chaque pays a son histoire particulière sans doute, et il y a aussi une histoire commune à tous les pays ; il est des momens où les nations se sentent invinciblement dépendantes l’une de l’autre et soumises à la pression des mêmes événemens. Ce fait est devenu bien plus palpable depuis la révolution qui a clos le dernier siècle en ouvrant le siècle présent. La révolution française n’est point seulement en effet l’orageuse et terrible transformation d’un peuple livré à lui-même : c’est une grande mêlée de l’Europe, et cette mêlée dure vingt-cinq ans, pendant lesquels tout est démoli, reconstruit,