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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/106

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partie la plus métaphysique. La physiologie expérimentale est pourtant plus curieuse peut-être, et si l’on ne s’effraie pas trop de quelques expressions techniques, on peut y trouver de l’intérêt même sans l’approfondir. Ces expressions du reste ne sont nullement incompréhensibles, mais elles représentent des idées ou des choses qui ne sont pas dans le monde le sujet le plus habituel de la conversation, et une fausse délicatesse peut les trouver.de mauvais goût. Ce dernier inconvénient nous eût, nous aussi, arrêté, si le point de science que nous voulons exposer n’eût pas été aussi intéressant qu’il l’est réellement, et si la découverte nouvelle n’eût pas été non-seulement belle, mais originale. Le monde savant s’en occupe, les hommes compétens se passionnent, les académies discutent, le public même s’inquiète et prend parti, et la libre discussion, chassée de partout, semble s’être réfugiée dans la physiologie. De toutes ces querelles d’ailleurs, un nom est sorti, qui leur doit son illustration, et celui qui le porte est sans doute destiné à les terminer. Ce nom est celui de M. Claude Bernard, que les personnes étrangères au mouvement scientifique ont été quelque peu étonnées de voir élire membre de l’Académie des Sciences à la place de M. Roux, et qui, après y être entré victorieux, en est réduit maintenant à combattre pour sa découverte et pour sa réputation. Rendre compte de ce combat, ainsi que des événemens qui l’ont amené, ce sera introduire nos lecteurs au cœur même de la physiologie.

C’est du foie qu’il s’agit. On sait qu’un des buts principaux de la science qui nous occupe est de déterminer l’usage de chacun des organes qui remplissent le corps humain. L’organisation est un système compliqué dont toutes les parties semblent se rapporter les unes aux autres et agir de concert. Le raisonnement le plus simple conduit à penser que chaque organe a son rôle dans la vie, et que, l’impulsion une fois donnée, dès que l’âme est unie au corps, celui-ci fonctionne jusqu’à la mort, comme une montre marque l’heure lorsqu’elle est montée. Toutefois, de même que dans une montre chaque rouage, chaque pignon et chaque roue a son usage déterminé et nécessaire, il semble que, dans le corps aussi, chaque organe doit avoir une fonction spéciale et indispensable à la vie de l’individu. Un organe inutile dans l’organisation nous ferait l’effet d’une roue immobile ou d’un ressort sans action, car le système total ne devant pas dépasser certaines limites, on est disposé à penser qu’il n’est pas chargé ou compliqué inutilement. Ce dernier point est controversé, et il y a des gens qui prétendent que tout n’est pas arrangé le mieux du monde, du moins d’après les procédés ordinaires de la raison humaine; mais cette question appartient plutôt à la métaphysique qu’à la physiologie, et il reste vrai dans cette dernière science que toutes