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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/116

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car chez les individus morts de maladie la fonction glycogénique pouvait s’être altérée comme les autres, et le manque de sucre dans le foie et les veines hépatiques n’aurait rien prouvé. Il étudia donc le foie des suppliciés[1], et eut la joie, grande pour un inventeur, de voir se confirmer toutes les idées que lui avaient données ses observations sur les chiens. Ses expériences, qui remontent aux années 1853 et 1852, ont porté sur les assassins Aymé, Lafourcade, Bixner et Viou. Le foie de l’un pesait 3k, 300, et contenait 23g,27 de sucre, ou 1,79 pour 100 ; ceux du second et du troisième donnèrent à peu près le même résultat, et le dernier, qui pesait 1k, 200, contenait 25g,704, ou 2,142 pour 100. M. Bernard vérifia aussi que chez des hommes morts de maladie la fonction s’était altérée, et que l’absence du sucre correspondait en général à une altération du foie. Enfin, pour rendre sa théorie plus générale, il opéra sur tous les animaux qu’il put soumettre à ses expériences, et trouva du sucre chez le singe, le chat, la taupe, le hérisson, la chauve-souris, les oiseaux. Il était intéressant d’examiner quelle influence pouvaient avoir sur la production du sucre les altérations de la cellule hépatique ou les maladies du foie. M. Bernard a étudié cette maladie connue sous le nom de foie gras, et que l’on donne artificiellement aux oies et aux canards en les soumettant à une certaine nourriture. Les cellules du foie se gorgent alors de graisse. Il semble que dans ce cas la production du sucre doive diminuer. Il n’en est rien cependant, elle augmente au contraire, et tandis que chez un canard ordinaire on ne trouve que 1g,27 de glycose pour 100 grammes de foie, chez un canard malade on en trouve 1g,40. D’autres maladies du foie, comme les kystes, les cancers, les hydatides, empêchent le sucre de se produire dans les parties qu’elles envahissent, mais les parties restées saines continuent à fonctionner. Ainsi un surmulot, dont une moitié du foie était envahie par un cancer encéphalique, produisait encore du sucre avec l’autre moitié. Chez les animaux hibernans, c’est-à-dire passant une partie de leur vie dans un sommeil continu, la fonction glycogénique n’échappe pas à l’engourdissement périodique qui frappe toutes les autres, mais au réveil elle reprend comme elles. Les poissons de mer même font du sucre, et aussi les mollusques connue l’huître et les moules, les crustacés comme le homard et l’écrevisse. Chez les insectes dont le foie était jusqu’ici mal

  1. Toutes les expériences de M. Bernard ont été exposées par lui dans un mémoire intitulé Nouvelle Fonction du sucre considéré comme organe producteur de matière sucrée chez l’homme et les animaux, in-4o, Baillière 1853. Il les a reprises et complétées depuis dans les leçons qu’il a faites l’an dernier au Collège de France, et qu’il a publiées sous ce titre : Leçons de Physiologie expérimentale appliquée à la médecine, etc. ; in-8o, Paris, Baillière 1855.