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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/124

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sur le glycose une action très efficace. La destruction du sucre n’est pas non plus due à la fermentation ordinaire qui produirait de l’alcool ou de l’acide carbonique, car toutes les fois que l’on a tenté de faire fermenter le sucre dans les veines d’un animal, ou même d’y injecter de l’alcool, la mort a été instantanée. Il y a une autre fermentation qui transforme le sucre en acide lactique : peut-être se produit-elle, et c’est là, je crois, l’avis de M. Bernard ; mais, dans l’état actuel de nos connaissances, le plus sûr est de ne rien affirmer, et de faire à cette question une réponse dont on est trop avare dans les sciences comme dans la vie commune : Je n’en sais rien.

Quant à l’utilité de la production de sucre, là aussi rien n’est bien positif. On avait d’abord pensé que le glycose sert, en se détruisant, à entretenir la chaleur du corps. Il n’est pas prouvé pourtant que la chaleur vitale augmente avec la proportion de sucre. Il serait plus vrai, je pense, d’admettre là-dessus une théorie de M. Bernard qui est peut-être destinée à un grand avenir. Il a fait là, entre mille autres, une découverte qui suffirait seule à l’illustrer. Il a vu que le sang sucré et en fermentation lactique produit des cellules, c’est-à-dire l’origine de tous les tissus ; il a vu que le sucre se rencontre partout où un développement doit s’accomplir, dans le blanc d’œuf, dans les eaux de l’amnios, dans la sève des plantes. Il en a conclu que dans la germination végétale, comme dans la germination animale, la présence du sucre est toujours nécessaire à la formation des membranes et des tissus, qu’il sert à la nutrition, et qu’ainsi, si l’animal meurt quelques jours après qu’on lui a coupé les pneumo-gastriques, lorsque le foie a cessé ses fonctions, cela tient à ce que la formation des tissus nouveaux nécessaires au renouvellement de l’individu a été brusquement interrompue. En un mot le sucre serait l’agent inconnu jusqu’ici de la nutrition, c’est-à-dire de la plus mystérieuse des fonctions.

Nous n’avons énuméré aussi longuement toutes ces expériences et tous ces résultats que pour bien montrer l’habileté et la sagacité de M. Bernard, et pour rendre compréhensibles aussi les attaques dont il est aujourd’hui l’objet. Longtemps il a joui en paix du fruit de ses travaux et de ses découvertes, et son mérite a été incontesté. L’Académie des Sciences, après lui avoir décerné le prix de physiologie expérimentale, lui a donné place parmi ses membres. Il a été élu professeur à la Sorbonne et suppléant de M. Magendie au Collège de France, où il l’a remplacé définitivement. Il a mérité et obtenu toutes les récompenses et tous les honneurs que peut ambitionner un savant. Toutes les académies de l’Europe l’ont nommé leur correspondant, et la plupart des physiologistes ont applaudi à ses expériences et vérifié ses résultats. Cette adhésion