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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/131

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l’économie par les alimens? Comment même la viande en contient-elle? Les moutons ayant servi dans toutes les expériences à nourrir les chiens avaient ét6 tués par hémorrhagie, et leur chair ne devait plus contenir ni sucre ni sang. Tout cela, du reste, est uniquement de la chimie. M. Figuier n’a envisagé qu’un côté de la question, et, suivant nous, le côté le plus facilement discutable. M. Bernard est surtout un physiologiste, et c’est sur la physiologie que repose la plus grande partie de ses démonstrations. On ne saurait comment expliquer, par exemple, dans le système de M. Figuier, ni l’action des nerfs, du galvanisme, de la section des pneumo-gastriques, ni les expériences diverses sur les embryons, l’effet de la quantité et de la qualité des alimens, du chaud et du froid, de l’âge et du sexe. Comment d’ailleurs le sucre, qui est si altérable, peut-il s’accumuler dans le foie? Les oscillations mêmes de la production du sucre, que M. Figuier invoque contre la théorie glycogénique, ne sont-elles pas des preuves à l’appui? Toutes les sécrétions ne sont-elles pas aussi oscillantes et soumises à des influences diverses et variables?

Il est impossible de donner ici plus de détails sur cette question et d’exposer plus longuement, et les objections de M. Figuier, et les réponses qu’on y peut faire. Nous en avons dit assez, je pense, pour montrer que jusqu’ici la théorie de M. Bernard est peut-être ébranlée, mais qu’elle est loin d’être détruite, comme quelques savans se sont trop empressés de le croire. A toutes les questions que je viens de poser, à quelques autres plus techniques qu’on pourrait faire, il n’a guère été répondu ni dans le mémoire de M. Longet, ni dans ceux de M. Figuier, ni dans sa Lettre à M. Lehmann, quelque bien tournés, quelque clairs que soient ces écrits. On doit donc attendre de nouvelles observations pour douter de la théorie de M. Bernard. Cette théorie est imprévue et singulière, il est vrai, mais je me défie des théories vraisemblables, et pourtant les adversaires de la glycogénie sont plus repoussés par son étrangeté qu’attirés par de bonnes raisons, M. Figuier nous permettra donc de ne pas attacher une importance trop exclusive à son expérience : c’est une difficulté qu’il propose, une raison de croire qu’il nous enlève; mais il en reste d’autres qui ont aussi leur valeur. Toutes les découvertes sont exposées à des objections, Harvey, lorsqu’il découvrit la circulation du sang, fut en butte à de vives attaques, combattu, comme M. Bernard, par des théories, des préjugés, des expériences, et le temps lui a donné raison. Peut-être M. Bernard triomphera-t-il de même des assertions de M. Figuier, et il a pour les réfuter bien des observations, bien des raisonnemens. Les autorités même ne lui manquent pas. Il est singulier que M. Figuier affirme avec tant de certitude, lorsque le doute tout au plus serait permis en face des mémoires si