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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/200

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Frédéric-Guillaume IV, il soumet à une critique approfondie la patente de 1847, et prouve avec une logique irrésistible la nécessité du vrai régime constitutionnel; mais l’autorité de sa parole n’était-elle pas déjà un peu amoindrie par une telle faute?

La révolution de 1848 aura aussi pour M. Gervinus des heures glorieuses et des périodes néfastes. A la première nouvelle des événemens de Paris, une immense agitation parcourt l’Allemagne. Le mouvement commence sur les frontières; à Mannheim, à Darmstadt, à Stuttgart, à Wiesbade, à Francfort, à Cologne, des pétitions hautaines, soutenues par la population soulevée, arrachent à des gouvernemens en désarroi toutes les libertés vainement réclamées depuis 1815. L’écho des bords du Rhin retentit bientôt aux extrémités de la confédération; la Saxe et la Prusse, la Bavière et l’Autriche obtiennent les mêmes réformes. Qui réglera cette agitation ? qui lui donnera une forme durable et assurera la victoire? Le moment est décisif pour M. Gervinus. Au mois de juillet de l’année précédente, il avait fondé à Heidelberg, avec MM. Mittermaier, Mathy et Louis Hausser, un journal consacré à la défense des principes constitutionnels; la Gazette allemande, déjà investie d’une sérieuse autorité politique et morale, s’efforcera de diriger l’opinion. L’initiative des grandes mesures partira de Heidelberg, et M. Gervinus sera l’âme du mouvement. Les pétitionnaires de Mannheim avaient demandé la convocation d’un parlement national qui proclamerait les volontés du pays. C’était surtout à l’unité de l’Allemagne qu’aspiraient tous les vœux. M. Gervinus rassemble ses amis, et sans autre mandat que celui du péril public, il forme une réunion de cinquante et un citoyens, publicistes, députés, jurisconsultes, qui vont préparer la convocation du parlement. C’est le 5 mars que les cinquante et un se réunissent; le 12, un comité de sept membres, choisis dans le sein de l’assemblée, convoque à Francfort, pour le 30 mars, tous les anciens députés et tous les députés présens des chambres constitutionnelles. On leur adjoint un certain nombre de personnages éminens pris en dehors des chambres. Ce sera l’assemblée des notables; elle aura mission de faire la loi électorale et d’instituer solennellement le vrai parlement germanique.

Si vous voulez voir M. Gervinus dans l’épanouissement complet de ses facultés, regardez-le à ce moment. Le voilà enfin au milieu des épreuves de l’action. Il vient de jouer un grand rôle et un rôle salutaire. Du premier coup, il a arrêté la démagogie en imprimant une marche régulière à la révolution. Dans le comité des cinquante et un, dans les polémiques de la Gazette allemande, à l’assemblée des notables, M. Gervinus est sur la brèche pour la défense du droit. Le danger ne vient plus des gouvernemens, mais de la démagogie.