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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/227

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çaise surtout, a fait un moment de Paris une ville neutre, en même temps que la fermeté des conseils alliés en fait une ville sûre pour les intérêts de l’Europe. Sans que les ministres de l’empereur Alexandre aient trouvé à leur arrivée des ovations, comme on l’a dit assez étrangement, on a pu voir dans le comte Orlof un des plus éminens personnages de la Russie, un vieillard portant vertement les années, et dans son collègue, M. de Brunnow, un homme d’esprit et de dextérité diplomatique. Il faut bien remarquer du reste que la courtoisie et les réceptions ne changent nullement la situation réelle des choses. La vérité est qu’avec le plus ferme propos d’en finir promptement, le congrès va avoir une œuvre immense à poursuivre. Il aura les questions les plus complexes à résoudre, les intérêts les plus divers à concilier, des répugnances de plus d’une nature peut-être à vaincre, quand il s’agira de donner une signification pratique à la neutralisation de la Mer-Noire, d’organiser les principautés, de déterminer d’une façon claire et précise la position de l’empire ottoman dans le concert de l’Europe. Ses regards auront à se porter au sud et au nord pour faire sortir de la guerre actuelle toutes les garanties universellement pressenties nécessaires à la sécurité du continent. À travers le bruit des fêtes, c’est là le sérieux objet de ces négociations à peine commencées, et dont l’impatience publique attend la conclusion avant même qu’elles n’aient traversé les plus périlleux défilés.

Jusqu’ici le premier résultat des délibérations du congrès est un armistice qui n’a encore qu’un caractère préliminaire et restreint, puisqu’il ne s’applique point aux blocus établis ou à établir. Cet armistice, qui sera conclu entre les armées belligérantes, devra prendre fin au dernier jour de mars. On le voit, c’est une suspension d’hostilités qui ne tranche rien, qui ne laisse même rien présumer, qui arrête simplement l’effusion du sang en attendant que la situation prenne une face plus nette. D’ici au terme fixé, les négociations seront sans doute arrivées à un point où il sera permis de démêler les véritables chances de la paix et de la guerre. Si l’impossibilité d’une transaction se révèle assez clairement, la guerre reprendra son cours, plus menaçante et plus terrible. Si la paix l’emporte décidément, si les questions principales sont heureusement résolues, l’armistice peut devenir plus général, s’étendre à toutes les opérations, et se prolonger jusqu’à un arrangement définitif, que des difficultés secondaires ne pourraient certainement empêcher. À quoi tient donc aujourd’hui cet avenir si prochain, que l’opinion universelle est avide de connaître ? Il dépend absolument de l’esprit que la Russie apporte dans les négociations récemment ouvertes. Les conditions qui ont servi de point de départ à ces négociations sont tellement nettes dans leur texte et dans leur sens, qu’il n’y a point de doute possible. Il est parfaitement certain que le Danube doit être libre désormais ; il n’est pas moins clair que les principautés doivent être organisées dans des conditions nouvelles, en dehors de toute immixtion des tsars, et qu’elles doivent même adopter un système défensif vis-à-vis de la Russie, système complété et garanti par une rectification de frontières. Quant à la neutralisation de la Mer-Noire, qui est le résumé le plus caractéristique des résultats de la guerre, cette grande mesure doit être évidemment entendue dans son sens le plus large et le plus efficace ; sans cela, elle ne serait rien, elle ne serait qu’un subterfuge derrière lequel se dissimulerait toujours la même ambi-