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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/229

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plus à la politique envahissante des tsars. Dès-lors on peut le dire, la Suède était liée irrévocablement ; elle acceptait la lutte avec ses responsabilités et avec la chance de retrouver des provinces perdues, et c’est ce qui explique l’espèce de déception avec laquelle les Suédois ont vu se rouvrir des négociations pacifiques ; ils voyaient la guerre près de finir au moment où ils se sentaient prêts à entrer activement dans la coalition européenne.

Comment la Suède avait-elle été conduite à cette hardie détermination ? C’est un point sur lequel un écrivain suédois, M. Lallerstedt, jette un jour tout nouveau dans un livre écrit en français, la Scandinavie, ses Craintes et ses Espérances. La réalité est que dès l’origine le roi Oscar, avec un sentiment intelligent des intérêts de la Suède, épiait le moment où il pourrait se joindre aux puissances occidentales ; mais il y avait des ménagemens à garder encore, des traditions à rompre, un voisin puissant à braver. C’est ce qui expliquait d’abord la déclaration de neutralité de la Suède. Le roi Oscar néanmoins, tout en s’enveloppant de mystère et de prudence, s’appliquait à faire sonder l’opinion publique. Au mois de mars 1855, il paraissait dans le Times une correspondance de Stockholm dont on ne soupçonnait peut-être pas la source, et qui indiquait la nécessité de créer dans la Baltique une barrière contre la Russie. Des ouvertures secrètes étaient faites aussi, dit-on, de la part du roi de Suède aux cours de l’Occident, et si elles n’eurent point une suite immédiate, c’est que tous les efforts des puissances belligérantes étaient alors tournés vers la Crimée. Lorsque survint la prise de Sébastopol, la résolution du roi Oscar fut arrêtée, et le traité du 21 novembre 1855 fut signé bientôt après. Le peuple suédois, qui avait hésité longtemps en présence de la mystérieuse circonspection de son souverain, répondit à cet acte par une acclamation universelle, par l’expression d’un sentiment national puissamment réveillé, et c’est dans ce premier entraînement que le bruit de négociations nouvelles est venu surprendre les Suédois. Maintenant, si la paix se conclut, en interprétant dans le sens le plus large l’article qui réserve les conditions particulières, il serait difficile sans doute d’y faire entrer quelques-unes des clauses dont M. Lallerstedt réclame l’adoption. Il est à craindre que l’auteur suédois ne donne à cette garantie un caractère très prononcé d’élasticité ; il trace tout un règlement nouveau de frontières entre la Suède et la Russie, qui laisserait la première de ces puissances en possession d’Uleaborg. Si les négociateurs ne vont point jusqu’à traiter ces questions, ils se sont du moins créé l’obligation de préserver la sécurité de la Scandinavie, de demander quelques garanties dans la Baltique, et ces garanties resteront naturellement placées sous la sauvegarde de l’alliance récemment contractée entre les puissances occidentales et la nation suédoise. La Suède se trouvera donc présente au congrès, sinon effectivement, du moins par la pensée et par tous ses intérêts qui sont en jeu.

On a pu se demander jusqu’à ces derniers temps si l’Allemagne aurait quelque part à ces négociations, aujourd’hui commencées. L’Allemagne aurait eu certainement la bonne volonté de figurer au congrès. L’Autriche a eu tout d’abord la pensée de chercher à introduire la confédération germanique dans les conférences, en se chargeant elle-même de la représenter ; en ceci elle était bien sûre de rencontrer l’opposition de la Prusse, qui eût volon-