Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’aurait donné la fusion ; car si l’on y réfléchit bien, la fusion n’est aussi qu’un moyen d’exclure tout intermédiaire entre les particules du corps, et par suite de leur permettre d’exercer leur attraction mutuelle au moment où la chaleur se retirera.

Il reste à savoir comment le courant électrique s’empare des particules, et les voiture jusqu’à ce qu’il arrive au point où, s’affaiblissant par diffusion, il abandonne ce qu’il entraînait. Or c’est ici de la physique théorique, et la question rentre dans un tout autre ordre d’idées que celles que nous devons aborder en ce moment.

J’ai déjà dit et répété que la terre dans son ensemble, à cause des courans électriques qui la parcourent de l’est à l’ouest, est une vaste usine galvanoplastique où l’espace et le temps ont produit de curieux effets. Les filons métalliques qui occupent les fentes des grandes masses continentales semblent des dépôts produits par la galvanoplastie de la nature. Quel sera l’industriel qui saura, pour son profit et pour l’avantage de l’humanité, faire travailler ces courans électriques, qui ne coûtent rien ? Jusqu’ici, à ma connaissance, le seul travail qu’on leur ait demandé, ç’a été de remonter une pendule, en sorte que celle-ci va toute l’année sans qu’on ait besoin d’y toucher. C’est un bien mince résultat. De tous les genres de travail, la galvanoplastie me semble celui auquel les forces électriques de la nature s’appliqueraient le plus immédiatement et le plus avantageusement. L’industrie des métaux a toujours rivalisé avec l’agriculture comme source de la richesse. L’Angleterre, avec la partie combustible de son sol, extrait le fer contenu dans l’autre partie et l’exporte avec un avantage immense. Y aurait-il quelque espoir de retirer le fer galvanoplastique de la terre avec les courans de la terre elle-même, comme on retire le cuivre et l’argent par ce procédé ? Il faut convenir que le fer est bien difficile à extraire, mais il est bien utile et d’un emploi bien général. Midas et Cinyras, ces deux personnifications de la richesse dans l’antiquité, me semblent marquer l’époque où l’extraction du fer a succédé à celle du cuivre, qui a devancé l’autre de bien des siècles. Virgile nous peint la terre d’Amathonte, où régnait Cinyras, comme enceinte de métaux :

Gravidam que Amathonta metallis.

Il en dit à peu près autant de l’île d’Elbe (Ilva). La Phrygie de Midas n’était pas moins riche en minerais. Or, dans les localités où les forces de la nature ont déposé électriquement des métaux, ces forces électriques doivent encore subsister. Pourrait-on les utiliser ? Laissons au temps à décider la question. Au reste, je n’ai voulu indiquer ici que les progrès récens de la galvanoplastie. C’est donc de son présent qu’il s’agit et non point de son passé, ou de son avenir. Sans tenir aux beaux-arts d’aussi près que la photographie, la galvanoplastie, par sa fixation des formes, rentre dans leur domaine. Notre siècle, en faisant travailler la lumière et l’électricité, leur a demandé ce qui était dans la nature de chacune. La lumière a fait des tableaux, l’électricité a fait de la statuaire.

Babinet, de l’Institut.



V. de Mars.