Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se rappelle à Jassy avoir vu le grand métropolitain faire ses visites d’apparat accompagné du brigand Piétraro. Pourquoi faut-il que j’ajoute ce qui suit ? Comblé de bienfaits, le brigand regrettait ses aventures. Bientôt il retourne à sa vie passée. Du moins il n’égorgea pas son bienfaiteur ; il s’enfuit, passa le Danube, se reforma une bande, et comme il ne tarda pas à être pris, il mourut sur la potence. Revenons.

Quand, après le régime du Phanar, la Russie, en 1829, a donné, sous le titre de règlement organique, une ombre d’organisation qui, à vrai dire, légitimait, légalisait, perpétuait les abus les plus crians, on a cru qu’on allait respirer, par cela seul qu’on donnait le nom de loi à presque toutes les anciennes barbaries.

Je ne sais si dans notre monde d’Occident il est beaucoup de sociétés sur lesquelles une épreuve de ce genre pût être tentée pendant une vie d’homme sans laisser après soi une ruine irréparable, et la Moldo-Valachie a été soumise sans intervalle à ce supplice pendant un siècle et demi. En sortant de cette torture, non-seulement elle n’est pas anéantie, mais sa régénération commence. Sitôt qu’on lui ôte le bâillon, elle parle, elle se refait, elle se répare. Loin d’être surpris de la trouver si informe, étonnez-vous qu’elle ait survécu.

Il y avait un danger à craindre. Après une servitude trop prolongée, lorsqu’on a présenté soudainement la liberté aux peuples, le plus souvent ils l’ont prise en haine. On devait donc appréhender que si jamais elle était montrée aux Roumains, cette vue ne les enivrât, et, ainsi que cela s’est vu chez d’autres nations que je ne veux pas nommer, il était à redouter que les Moldo-Valaques ne se déchaînassent d’abord contre leurs libérateurs eux-mêmes. Rien de pareil ne s’est vu chez eux, et ce n’est pas, selon moi, un faible témoignage. La liberté leur a été montrée, et ils ne l’ont point maudite. Soit la douceur naturelle et jusqu’ici inaltérable du peuple des campagnes, soit une raison prématurée, ils ont pu se croire un moment victorieux ; chose singulière, qui paraîtra incroyable, ils n’ont été ni infatués dans la bonne fortune, ni trop exigeans envers leurs libérateurs, ni ingrats après la défaite, ni serviles dans l’adversité : grande leçon dans un petit exemple.

V. — autonomie et souveraineté.

Avant de chercher ce que pourrait être la société roumaine régénérée, il faut voir si cette société a le droit d’exister. C’est ici que se place la question d’autonomie et de souveraineté.

Pendant que les historiens polonais prétendent que la Moldavie, la Valachie étaient des provinces vassales de la Pologne, et qu’ils