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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/357

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aujourd’hui constituée. Sans doute, si l’on doit entendre par division un certain nombre de régimens ou de détachemens d’armes différentes réunis sous un seul commandement, il existe des divisions dans toutes les années du monde, et j’admettrai facilement qu’une fois conduites sur le champ de bataille, elles se comporteront au jour du combat aussi bravement qu’aucune division française; mais ce n’est pas là, et à beaucoup près, tout ce qui représente le mérite des corps armés, surtout quand il s’agit de faire campagne sur le sol étranger. Ce qui n’est pas moins utile au but final de la guerre que la bravoure des troupes, c’est cette heureuse combinaison qui fait que dans un corps français infiniment plus que dans aucun autre on rencontre une association de tous les métiers, de toutes les professions de la société civile. C’est le résultat de notre excellente loi de 1832 sur le recrutement de l’armée, et l’on a pu en voir les bons effets soit en Algérie, où nos régimens ont accompli mille travaux aussi nécessaires à la conquête que la victoire sur les champs de bataille, soit en Crimée, lorsqu’il a fallu s’établir sur le plateau désert de la Chersonèse et pousser les travaux de siège devant Sébastopol. C’est un avantage que les armées étrangères ne possèdent pas au même degré que la nôtre, et, pour mieux nous faire comprendre, nous citerons comme exemple les armées russe et anglaise. En Russie, où d’ailleurs l’industrie est peu avancée, où le recrutement se fait sous l’influence des seigneurs, qui se gardent sans doute de livrer les plus utiles de leurs serfs, l’armée est composée presque exclusivement d’hommes des campagnes, qui font au besoin des terrassemens merveilleux, comme ils nous l’ont prouvé à Sébastopol, mais qui dépendent de l’extérieur pour tout ce qui est de l’entretien, de la réparation ou de la création de leur matériel. De même que, chez les Russes, les malades et les blessés sont trop souvent perdus par suite de l’imperfection du système médical et hospitalier, de même, par suite de l’ignorance du soldat, l’arme ou la machine détériorée, avariée par une cause quelconque, peut être considérée comme perdue. Aussi les armées russes sont-elles très lentes dans leurs mouvemens et traînent-elles toujours après elles une masse considérable de bagages, bien que la ration du soldat soit des plus chétives.

Dans l’armée anglaise, c’est le contraire qui arrive ; elle se recrute par engagemens volontaires seulement, mais elle ne trouve guère de gens à enrôler que dans le peuple des villes, et en général parmi les ouvriers qui n’ont pas réussi dans leur métier, qui n’ont pu s’attacher à rien, ni à personne. Toutes les professions de l’industrie manufacturière comptent des représentans plus ou moins habiles dans les régimens anglais, mais les hommes de la terre y manquent. Aussi le soldat anglais, si admirablement brave sur le