Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il sentait près de lui l’ombre de ce grand homme,
Dans la morte il voyait le symbole de Rome.

III.



Après quinze cents ans, oui, dame, c’était vous !
À l’heure de donner un fils à votre époux,
La mort vint menaçante, et votre illustre père
Voyait fuir avec vous son étoile prospère.
Les plus savans de Côs arrivent à sa voix.
Puis, mandant un exprès au pays des Gaulois :
« Bon Divitiacus, pontife des druides,
À la vie, à la mort, ô sage, tu présides ;
Tu lis dans les secrets du temple de Bangor ;
La nature t’ouvrit son magique trésor ;
Tu sais l’herbe vitale et la plante mortelle…
Or ma fille se meurt, et je meurs avec elle !
Hôte de Cicéron, noble ami de César,
À ton enclos royal est un rapide char ;
Hâte-toi ! L’Apennin est encor blanc de neige,
Mais l’homme bienfaisant, un esprit le protège.
O mage, ô saint druide, ô grand chef éduen,
Tout le savoir des Grecs pâlit devant le tien ! »

L’enchanteur se hâta, mais déjà sous la porte
La fille du consul, Tullia, gisait morte.

IV.



Aux bois de Tusculum, près d’un antre isolé,
Avec son livre errait le père désolé :
« Ô fille vertueuse, ô femme de génie,
La mort ne t’aura pas tout entière bannie !
Le marbre de Paros et l’art athénien
Garderont ton beau nom immortel près du mien.
Le sanctuaire pur que mon amour te dresse
Aux regards des Romains va te faire déesse ;
Quand le passant lira : Tulliolæ meæ,
Un nouveau signe au ciel pour toi sera créé. »

Le prêtre respecta ces éloquentes larmes.
Mais Tullia semblait vivante par des charmes :
Enfin, le monument superbe étant construit,
L’archidruide seul s’y renferma de nuit ;
La morte, il l’étendit sur la couche d’ivoire,