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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/429

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archives de la Tour de Londres, qui eut à donner lecture des actes par lesquels d’anciens rois, tels que Richard II, Henri V, Henri VI avaient créé des pairies viagères. Ces actes étaient en latin et en latin du temps, et la lecture qui en fut faite à haute voix finit par donner à la chambre une certaine envie de rire. Il fut donc convenu que les pièces seraient traduites et distribuées, et la discussion fut ajournée.

Dans l’intervalle, il fut fait plusieurs tentatives de transaction. Les lords disaient au gouvernement : « Faites de votre pairie viagère une pairie héréditaire, et nous serons tous d’accord;» mais c’eût été reconnaître que la couronne avait enfreint les limites de sa prérogative, et le ministère ne voulait point faire cette amende honorable. D’un autre côté, lord Glenelg proposa de référer la question aux juges d’Angleterre, c’est-à-dire aux chefs des hautes cours, qui sont, si nous ne nous trompons, au nombre de quinze; mais les juges ne pouvaient décider que la question légale, la question constitutionnelle n’était pas de leur ressort. C’est ce que répliquait lord Campbell en apportant à l’appui de son opinion celle de tous les grands commentateurs de la constitution, selon lesquels le parlement suis propriis legibus et consuetudinibus subsistat. La proposition fut donc rejetée, et lord Lyndhurst à son tour, abordant de front la difficulté, proposa de déclarer formellement que les lettres patentes de la couronne ne donnaient point au pair nouvellement nommé le droit de siéger dans la chambre des lords. Après avoir récapitulé tous ses argumens, lord Lyndhurst termina en disant :

« Je rappellerai que ce que j’ai voulu surtout établir, c’est que le long usage est la base et le principe de notre constitution. C’est là-dessus que repose tout notre système. Voyez la succession au trône, elle ne suit pas les règles ordinaires de l’hérédité, elle dépend entièrement de l’usage longtemps continué. Les privilèges du parlement reposent sur la même base. La constitution reconnaît trois états : la couronne, les lords, les communes, unis entre eux, mais indépendans les uns des autres, produisant l’harmonie par l’équilibre. Peut-on un seul instant prétendre qu’un de ces pouvoirs ait le droit, en vertu de son propre arbitre, de modifier aucun des deux autres et de détruire cet équilibre? Alors que devient la constitution?... Il a été dit par les plus grands hommes d’état de l’Angleterre que c’est la jalousie et non la confiance qui doit être le principe de la constitution. La jalousie est le principe régulateur de toutes nos institutions... »

Malgré les efforts du gouvernement, la motion fut adoptée à 33 voix de majorité. Le conflit était allé plus loin que personne ne l’attendait sans doute dans l’origine; la question avait été posée par oui et par non, et les lords avaient résolument répondu : Non.

Mais c’est ici que la scène change, et qu’à la chaleur du combat nous voyons tout à coup succéder le calme de la réflexion. La couronne et la pairie, se trouvant face à face, se souviennent que leur premier intérêt est