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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/489

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ses cours ; c’est lord Lansdowne, que l’on peut citer encore comme le représentant le plus éminent et le plus fidèle du noble et sage esprit qui régnait dans Édimbourg au dernier moment du dernier siècle.

De toutes les études qui y fleurissaient alors, l’étude de la philosophie, on a pu le voir, est celle qui tient le plus de place dans cette insuffisante esquisse : nous n’avons rien dit des travaux de l’Écosse dans la médecine et dans les sciences ; mais ce serait faire trop d’injustice à ce pays, et l’omission serait trop choquante, si nous négligions la poésie. Comment rencontrer cette fleur sur le chemin que nous parcourons, sans s’arrêter pour en admirer les couleurs, pour en respirer le parfum ? Burns n’a point eu de modèle ni de rival. La poésie pastorale des modernes n’a rien eu à lui prêter. Les anciens même, Théocrite et Virgile, sont de trop grands artistes pour l’égaler en naturel. Ils peignent en maîtres. Burns est lui-même ce qu’il veut peindre, et la réalité pour ainsi dire chante par sa voix. Rêveur et passionné, c’est bien le poète de la nature écossaise, le poète des horizons limités, des vallées agrestes, des sombres bruyères, des montagnes brumeuses. Il peint à la manière des anciens, en quelques traits. Ce n’est pas le paysage qu’il décrit, c’est l’impression que son âme en reçoit. Sa sensibilité profonde et concentrée lui prête un accent qui pénètre. C’est peut-être le seul poète vraiment, sincèrement populaire dans les temps modernes. Mais ce talent tout à la fois rustique et exquis, national et individuel, ne le doit-il pas en partie à l’Écosse même, seul pays où il se rencontre des chansons réellement poétiques dans la bouche du peuple, des souvenirs réellement historiques dans la mémoire des pâtres et des laboureurs ?

Aussi, tandis que Burns prêtait une mélodieuse voix aux sentimens les plus simples de la nature, une autre veine de poésie, qu’il n’a pas lui-même négligée, s’était ouverte. L’évêque Percy, en publiant ses Reliques d’ancienne poésie, avait le premier tourné l’attention publique sur les trésors que l’antiquaire pouvait ouvrir, par des recherches bien conduites, au goût et à l’imagination. Beattie, qui écrivait en vers avec élégance si ce n’est avec inspiration, réussit dans son Ménestrel à ranimer par imitation l’attrait des sujets de chevalerie. Burns composa d’éloquentes ballades sur des souvenirs nationaux, et son chant de la bataille de Bannockburn est un chef-d’œuvre. Ce fut alors et surtout en Écosse que l’on apprit à sentir la poésie du passé. Ni le XVIIe ni même le XVIIIe siècle ne s’étaient en aucun pays doutés de cette source d’émotions et de peintures nouvelles. Longtemps on n’avait guère su nationaliser la poésie qu’en transportant la mythologie dans les temps modernes et en mettant nos héros chrétiens dans la compagnie des dieux d’Homère. Depuis