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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/517

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V.

La première pensée de Méhémed, après quelques instans d’un léger sommeil, fut d’allumer une torche et de s’assurer si Habibé reposait. Tout était calme et silencieux, et Méhémed put croire un moment qu’Habibé donnait ; mais dès qu’il eut élevé la torche à la hauteur de la tête de la jeune femme et qu’il eut aperçu son visage, toute sa sérénité s’évanouit. Habibé était étendue sur sa couche dans la pose de l’accablement et de la lassitude. Une pâleur maladive régnait sur son visage. Ses yeux étaient entr’ouverts, comme cela arrive souvent à ceux que la fièvre plonge dans un sommeil mêlé de rêves qui leur voile la connaissance de ce qui se passe autour d’eux.

— Habibé ! murmura Méhémed alarmé, regarde-moi et réponds-moi. Tu souffres ?…

Habibé souleva ses paupières appesanties, tourna son regard étonné vers Méhémed, et répondit d’une voix qu’on entendait à peine : Où sommes-nous ?

— Nous sommes en sûreté, et ma seule inquiétude me vient de toi. Qu’éprouves-tu ?

Habibé ouvrit la bouche pour répondre, mais les forces trahirent sa volonté, et, se laissant retomber sur sa couche, elle ferma les yeux : Plus tard, plus tard ! dit-elle.

Méhémed ne prononça plus un mot ; il alla placer la torche auprès de la porte de façon à ce qu’elle éclairât faiblement la couche d’Habibé et que la fumée s’échappât dans le vaste souterrain ; puis il revint s’asseoir aux pieds de la malade, et demeura plusieurs heures dans une muette et triste contemplation. Elle dormait cependant ; les agitations de la nuit achevaient de s’éteindre dans un sommeil paisible, et lorsque la nature eut retrouvé son équilibre, Habibé fit un mouvement et appela Méhémed.

— Me voici, mon enfant, répondit-il, dis-moi sans tarder comment tu te trouves, et dissipe, si tu le peux, mes inquiétudes.

— J’ai été fort malade dans la nuit ; je ne ressens plus à cette heure qu’une grande fatigue, qui disparaîtra bientôt ; mais qu’allons-nous devenir ?

— Dis-moi d’abord ce que tu as éprouvé cette nuit, repartit Méhémed, qui, comme tous les êtres doués de quelque intelligence en Orient, se connaissait un peu en médecine et croyait s’y connaître beaucoup. Il y a des simples d’une efficacité merveilleuse dans ces montagnes, et je saurai trouver la plante qui te guérira quand je connaîtrai ton mal.

Habibé assura qu’elle ne souffrait point : au fond, c’était sa vie que