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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/550

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ils sont obligés de porter les effets qu’ils veulent faire entrer dans la circulation à des escompteurs intermédiaires. Ces intermédiaires naturels de l’escompte sont les banquiers, et ils ne sauraient manquer dans les pays et les places de commerce où existent des banques publiques ; car l’existence des banques garantit la permanence du crédit, et les banquiers sont toujours assurés de pouvoir leur réescompter, en y ajoutant leur signature, qui sera la troisième, les effets qu’ils auront reçus eux-mêmes des industriels et des négocians. C’est cependant pour le commerçant une charge et parfois une difficulté que d’avoir à traverser cet intermédiaire pour arriver au crédit. Le banquier en effet, soit défaut de confiance, soit qu’il donne un autre emploi à ses ressources de crédit, peut se refuser à l’escompte, ou le restreindre, ou ne l’accorder qu’à des conditions fort chères. On comprend donc qu’il y avait quelque chose à faire pour remplir la lacune qui sépare de la Banque la production et l’échange, qu’il y avait à organiser le second degré du crédit commercial, et qu’on pouvait y parvenir en confiant ce service intermédiaire à une institution spéciale, établie sur des bases générales et permanentes. C’est ce que l’on essaya, peu de jours après la révolution de février, par la création des comptoirs d’escompte.

Cette institution fut l’œuvre de la nécessité. Outre les banquiers particuliers, dont la profession est d’escompter le papier de commerce, il existait sous le règne de Louis-Philippe de grands établissemens de banque destinés à ce genre d’opérations, et constitués en sociétés en commandite par actions avec des capitaux considérables. M. Jacques Laffitte avait fondé une caisse d’escompte semblable, devenue à sa mort la caisse Gouin. Il avait été plus tard imité par M. Ganneron, et peu d’années avant 1848 par un ancien receveur-général, M. Baudon. Ces caisses d’escompte n’agissaient pas seulement avec leurs propres capitaux ; la confiance du commerce mettait à leur disposition des sommes importantes déposées en comptes-courans. L’étendue de leurs ressources et l’entraînement des affaires les firent dévier du but de leur création ; au lieu de se consacrer exclusivement à l’escompte et de se renfermer dans les limites du crédit commercial, elles s’engagèrent dans le crédit commanditaire et immobilisèrent une grande partie de leurs ressources dans des commandites d’entreprises industrielles et en actions de ces entreprises. La révolution de février surprit et arrêta dans ce mouvement les caisses Gouin, Ganneron et Baudon. Quand éclata la révolution, lorsqu’à l’improviste et tous à la fois les déposans vinrent leur redemander les fonds qu’ils avaient versés en comptes-courans, lorsqu’il fallut rembourser les effets de commerce endossés par elles et qui demeuraient impayés, ces caisses, dont les ressources étaient converties en