Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/633

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’accepter à peu près sans réserve les œuvres de la photographie quand elles ont pour objet la représentation des œuvres de l’architecture. On ne saurait dire qu’elles inaugurent un art supérieur à l’art d’Israël Silvestre, de Gabriel Pérelle, de Piranesi ou de tel autre graveur de monumens : — l’art, encore une fois, n’a que faire dans cette fidélité toute mécanique ; — mais il n’y a que justice à reconnaître ce qu’elles offrent d’incomparable au point de vue de l’authenticité et quelles vastes ressources elles créent aux études techniques, comme à l’archéologie et à l’histoire. Puissent ce nouveau secours et ces exemples familiers tourner au profit de l’architecture contemporaine ! puisse-t-elle, dans ce contact de tous les jours avec le passé, puiser, non pas le goût de l’imitation, mais au contraire une force d’invention nouvelle ! La photographie, en exerçant cette influence sur l’art de notre époque, ne lui serait pas médiocrement utile.

À ne considérer d’ailleurs les pièces dont nous parlons qu’en elles-mêmes et sans tenir compte des progrès qu’elles peuvent déterminer, il est difficile de demeurer indifférent à leurs mérites. Quoi de plus curieux que cette suite d’édifices appartenant à tous les temps et à tous les pays, qui se déroule sous nos yeux soit pour nous faire retrouver les impressions ressenties sur place, soit pour nous renseigner et nous instruire ? Tels que la photographie les a rendus, les détails de la cathédrale de Chartres, par exemple, ne gardent-ils pas le relief, l’apparence même de la réalité, et les nobles sculptures des portails, — le plus beau spécimen peut-être de la statuaire nationale au moyen âge, — ne revivent-elles pas sur le papier avec toute l’autorité, toute la fermeté de style que leur a données le ciseau ? Les diverses vues du vieux Louvre, photographiées plus récemment et avec une justesse de moyens plus irréprochable encore, attestent à la fois les perfectionnemens du procédé et l’admirable talent de nos artistes du XVIe siècle. N’eussent-elles d’autre avantage que de populariser au dehors la gloire de l’architecture et de la sculpture françaises à des époques bien différentes, de telles publications mériteraient à ce titre seul les encouragemens et la sympathie ; mais elles peuvent avoir une utilité plus immédiate et réveiller un juste orgueil ou des admirations que le temps a refroidies. Qui sait ? Peut-être, à force de voir ces images des grands monumens de l’art dans notre pays, arriverons-nous à mieux apprécier les rares qualités des modèles. Peut-être, en comparant les œuvres de notre école aux œuvres produites ailleurs, — et la comparaison est facile, puisque la photographie fournit de part et d’autre la même somme de documens certains, — serons-nous moins insoucians ou moins modestes, et nous aviserons-nous de penser qu’après