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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/655

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l’approbation préalable du corps législatif, ouvrait indirectement la faculté de modifier, à l’abri de tout contrôle, les taxes de douanes ? L’inquiétude, sinon l’opposition, fut si vive, qu’il parut nécessaire de la calmer par un commentaire émané du président même du sénat, commentaire qui proclamait, dans un langage presque solennel, l’excellence du système protecteur. Enfin, dans le cours de la dernière session, un projet de loi sur les douanes a été présenté au corps législatif. La composition de la commission ; chargée de l’examiner et les termes du rapport ne permettent pas de douter que l’opinion protectioniste ne soit tout à fait prépondérante au sein du corps législatif, et la discussion démontrera probablement que, sous le gouvernement actuel de même que sous la restauration et sous le gouvernements de juillet, l’administration est demeurée plus libérale, plus portée aux réformes qu’on ne l’est généralement dans le pays.

Par l’exposé qui précède, nous avons eu pour but d’indiquer clairement et à l’aide de faits incontestables, quel est, dans cette grave question, non-seulement l’avis des industriels intéressés au maintien du principe protecteur, mais encore le sentiment populaire. Il faut bien en tenir compte, et d’ailleurs ce sentiment s’explique. On a vu sous l’empire de la législation actuelle, les manufactures prendre un grand essor, le commerce intérieur se développer, les relations avec l’étranger suivre une marche régulièrement progressive ; on a jugé le système d’après ses effets, et en vérité c’est encore, pour tout système, le meilleur mode d’appréciation. Les effets paraissant’ favorables, il est naturel qu’on s’attache à conserver ce qui est. De là les difficultés extrêmes que rencontre le gouvernement chaque fois qu’il tente de modifier le tarif.

Cette tentative a été faite cependant, et elle se poursuit. On ne saurait refuser au gouvernement actuel le mérite de s’être engagé résolument dans la voie des réformes douanières : Si l’on reprend depuis trois ans la collection du Bulletin des Lois, on remarque une série presque non interrompue de mesures ayant pour objet de dégrever, soit définitivement, soit à titre temporaire, un grand nombre de marchandises. Pendant cette courte période, il a été fait sans bruit, sans grande discussion, sans loi, une seconde édition des tarifs de douanes. Les circonstances, il faut le reconnaître, ont singulièrement favorisé cette politique. La crise des subsistances a motivé la suspension de toutes les lois restrictives qui entravaient l’importation des céréales étrangères. Pareille mesure avait été prise en 1846, mais à cette époque on n’avait pas osé étendre aux bestiaux, non plus qu’aux viandes fraîches ou salées, les facilités d’introduction qui étaient accordées pour les grains : en 1853, le gouvernement eut cette audace ; et il abaissa à un taux presque nominal le tarif des bestiaux, qui étaient frappés d’un droit exorbitant. Le tarif fut également réduit sur les vins en présence du déficit de notre production. D’autre part, les produits des usines avaient atteint un prix si élevé et les besoins de la consommation étaient devenus si grands, que l’on pouvait sans inconvénient diminuer le tarif des houilles, des fers, des aciers. On ne laissa pas échapper cette occasion, et tout récemment encore on a fait un pas de plus dans cette politique libérale en accordant un tarif de faveur aux rails importés pour le prompt achèvement de nos lignes