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couvrant de l’inertie allemande ses temporisations calculées, s’obligeant vis-à-vis des puissances occidentales à rompre avec la Russie, et s’engageant avec la Russie à ne pas prendre les armes, adressant des ultimatums au moment où elle diminue ses forces militaires, manœuvrant sans cesse en un mot pour conserver sans lutte et sans combat une grande position, celle d’arbitre de la paix. Selon l’écrivain russe, c’est l’Autriche qui de sa main prudente et habile a brisé la sainte-alliance, cette alliance qui n’a jamais profité qu’à elle et nullement à la Russie, toujours traversée en ses desseins par le cabinet de Vienne. Ici on pourrait, ce nous semble, intervenir, et dire que la Russie a contribué au moins autant que l’Autriche, à rompre cette alliance. Quoi qu’il en soit, qu’elle ait été brisée par l’un ou l’autre des deux empires, ou par les deux à la fois, elle n’existe plus, cette alliance, et c’est là le seul point à constater pour l’Europe occidentale. L’Autriche s’est donc montrée très habile selon l’auteur de la brochure, mais c’est maintenant surtout qu’elle va avoir à déployer son habileté et sa dextérité. Où trouvera-t-elle des alliances ? Se tournera-t-elle, selon, sa vieille tradition, vers l’Angleterre où ses généraux ont trouvé l’insulte, d’où sont partis les encouragemens à la révolte de toutes les nationalités ? Se tournera-t-elle encore une fois vers Pétersbourg ? Ici l’écrivain en dit assez pour indiquer que la seule politique possible pour la Russie vis-à-vis de l’empire allemand doit être une politique réservée et hautaine, — La Russie, semble dire ce singulier diplomate anonyme, la Russie a sauvé l’Autriche une fois, et c’est assez… Il est aisé de faire en tout ceci la part de l’amertume et de la récrimination. Ces pages sont surtout curieuses parce qu’elles sont un symptôme des sentimens qui ont pu se faire jour jusqu’au dernier instant. Heureusement la paix est venue ; elle dissipera ces nuages, et si, comme le dit l’auteur de la brochure, l’Autriche pratique merveilleusement la vertu des hommes d’état, qui consiste à n’avoir ni rancune ni reconnaissance, trop d’exemples prouvent que ce n’est point là une vertu qui soit exclusivement à l’usage de l’Autriche. Dans tous les cas, ce n’est point aux puissances occidentales de reprocher au cabinet de Vienne d’avoir manqué de reconnaissance à l’égard de la Russie.

C’est ainsi que les dernières émotions d’une grande querelle, comme les derniers coups de feu d’un combat qui finit, disparaissent devant le résultat qui réconcilie les puissances hier encore ennemies. Cette nouvelle va retentir à tous les confins de l’Europe, rassurée et calmée par la sagesse d’un congrès où le droit seul a obtenu une victoire. Elle commence par retentir en France, où la paix doit nécessairement ouvrir une vaste carrière aux intérêts, rendre les esprits aux préoccupations intérieures. Cette paix, qui domine aujourd’hui la situation de tous les pays et particulierement de ceux qui se trouvaient engagés dans la lutte, n’est point cependant le seul événement qui ait signalé ces derniers jours. Le 16 mars, un prince naissait aux Tuileries ; il est entré dans la vie au bruit du canon et des réjouissances, comme tous les enfans des souverains. Il était impossible qu’une remarque ne vînt point à l’esprit, et elle est passée naturellement dans les harangues officielles de l’empereur et du président du corps législatif. Depuis la fin du dernier siècle, quatre enfans destinés à régner sont nés dans ce palais. Trois portaient dans leurs veines le sang de Bourbon : un portait le sang de Lorraine,