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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/717

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me choisit pour cette fonction, je suis prêt à l’accepter. Je ne vous demande point de faire part à la convention de mon offre, car je suis éloigné de me croire un personnage assez important pour qu’elle s’occupe de moi ; mais j’ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître dans le temps où cette fonction était ambitionnée de tout le monde : je lui dois le même service, lorsque c’est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse. » Malesherbes aimait Louis XVI ; il l’aimait, parce qu’il l’avait trouvé bon et ami du peuple sur le trône. Aussi, même avant qu’il l’eût revu au Temple, il suivait avec une douloureuse anxiété le progrès fatal de ces malheurs qu’il avait prévus. En 1791 et jusqu’au 10 août 1792, il allait exactement tous les dimanches au lever du roi. « C’est pendant la semaine, disait-il à Bertrand de Molleville, qui, dans ses Mémoires, raconte une conversation qu’il eut avec Malesherbes quelques jours avant le 10 août, c’est pendant la semaine une consolation pour moi d’avoir vu ce digne prince en bonne santé. Je ne m’approche pas assez pour qu’il me parle, il me suffit de l’avoir vu, et je crois qu’il est lui-même satisfait de me voir. »

Ce que j’admire dans M. de Malesherbes, ce n’est pas tant encore son dévouement que le témoignage que ce dévouement rend à la vie de M. de Malesherbes et la grandeur qu’il donne à son caractère. Je m’explique : pour être autre chose qu’un philosophe et qu’un philanthrope, pour être même, à parler comme certaines personnes, autre chose qu’une dupe des sentimens et des principes de 1789, M. de Malesherbes avait besoin de son dévouement du Temple et de la mort qui a consacré ce dévouement. Je sais bien qu’on a dit que, dans les derniers temps de sa vie, Malesherbes avait désavoué et abjuré les principes qu’il avait aimés et professés toute sa vie. C’est là une erreur ou une invention de l’esprit de parti. M. de Malesherbes, comme tous les honnêtes gens, a aimé 89 et a détesté 93 : on a pris la colère qu’il avait contre les excès pour le repentir des principes ; c’est tout différent. On a pris même son dévouement au roi, en 1793, pour une expiation de sa conduite et de ses idées en 1787. C’est tout le contraire. Dans M. de Malesherbes, 1793 continue et explique 1787, au lieu de le désavouer. L’homme qui aurait voulu que le roi se fît réformateur s’indignait de le voir martyr. Il s’était dévoué au peuple, parce que le peuple était innocent et malheureux, et il se dévouait au roi, parce que le roi aussi était innocent et malheureux. En 87 comme en 93, il combattait pour la justice. Quand le premier président de la cour des aides défendait le colporteur Monnerat, prisonnier et victime à Bicêtre des dépits de quelques commis de la ferme générale, les courtisans des fermiers généraux disaient sans doute : Que nous veut ce philosophe avec son