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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/79

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Les premières années de David révèlent chez lui une grande force de caractère. Né le 12 mars 1789, il était fils d’un ouvrier sculpteur en Lois; il manifesta de bonne heure un goût très vif pour le dessin, et suivit l’enseignement de l’école centrale d’Angers, sa ville natale. Cette école ayant été supprimée, il tourna ses regards du côté de Paris; mais comment faire le voyage? Son père était pauvre, et ne pouvait l’aider dans l’accomplissement de son projet. Le futur statuaire ne se laissa pas décourager : il partit à pied avec un paquet au bout d’un bâton, et arriva plein de confiance dans la grande ville. A peine établi dans une mansarde, il dut songer au lendemain, car sa bourse ne contenait que trois pièces de cinq francs. Comme il avait modelé dans l’atelier de son père et qu’il savait tailler dans le bois des ornemens et même déjà quelques figures, il se mit en quête, et trouva moyen de gagner le pain de chaque jour; il pouvait désormais se passer des secours de sa famille. Après quelques mois d’un labeur ingrat, qui n’avait pas ébranlé sa résolution, il entra dans l’atelier de Louis David, le peintre des Sabines et de Léonidas. Sous la discipline de ce maître sévère, il apprit à connaître la tradition qu’il devait plus tard répudier. En 1809, il obtenait une première médaille à l’École des Beaux-Arts de Paris, et deux ans plus tard, en 1811, il remportait le grand prix de Rome. Louis David avait sollicité pour son élève une pension de la ville d’Angers, et la municipalité s’était empressée d’accueillir cette recommandation. Elle s’était engagée en 1809 à lui payer une pension de 600 francs jusqu’à la fin de ses études. Le grand prix de Rome abrégea la durée de cette libéralité. Le sujet du concours était un Épaminondas. Le jeune lauréat n’avait que vingt-deux ans, et déjà son maître disait en parlant de lui : Le petit David ira loin. Il n’y avait pas alors en France de sculpteur dont la renommée pût se comparer à celle du peintre des Sabines. Rolland, dont le nom est aujourd’hui à peu près oublié, mais qui possédait la pratique de son métier, fut en même temps que Louis David le maître du jeune lauréat. Ce fut lui qui l’initia au maniement de l’ébauchoir. Le rêve de l’enfant était accompli. Eprouvé par la pauvreté, il avait lutté avec énergie, et son travail lui avait conquis cinq années de liberté, d’études indépendantes. Il allait voir de ses yeux, voir tous les jours les merveilles rassemblées dans les musées de Rome, de Naples et de Florence. La fortune n’avait rien fait pour lui; il devait tout à lui-même, et pouvait à bon droit se dire fils de ses œuvres.

En arrivant à Rome, David trouva l’Italie entière dominée par Canova. L’enthousiasme allait jusqu’à l’égarement. On ne jurait que par Canova. Ses moindres ouvrages, achetés à des prix qui nous