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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/810

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un projet annoncé depuis longtemps et de venir passer à Wosnesensk une grande revue de cavalerie. Le prince de Moldavie, dont la principauté est limitrophe de l’empire de Russie, demanda à la fois à Constantinople et à Pétersbourg l’autorisation d’aller présenter ses devoirs au souverain protecteur des principautés danubiennes. Cette double demande fut accueillie avec faveur. Cependant, le prince Stirbey ayant sollicité de nouveau l’honneur de porter une lettre autographe du sultan à l’empereur Nicolas et l’ayant obtenu, le prince Grégoire Ghika fut également chargé d’une mission identique par le divan. Les deux hospodars se trouvèrent ainsi munis de lettres autographes et revêtus du caractère d’ambassadeur extraordinaire. Cela déplut à la cour de Saint-Pétersbourg, auprès de laquelle la Turquie n’a pas le droit d’entretenir de représentant, et qui ne reçoit de missions extraordinaires de la Porte qu’après en avoir été prévenue et les avoir agréées. Le tsar fit savoir qu’il ne pouvait pas recevoir les hospodars à Wosnesensk ; il autorisa seulement l’envoi d’une députation de boyards moldaves, parmi lesquels le prince Stirbey chercha vainement à faire admettre son fils aîné et son gendre préféré. Les deux hospodars furent vivement contrariés du refus de l’empereur de Russie, qui inspirait alors aux boyards, dans les principautés, une crainte respectueuse ; mais leur inquiétude se changea en une profonde tristesse quand ils connurent les détails de la réception faite à la députation moldave. Cette députation avait précédé l’empereur à Wosnesensk. Dès que le tsar fut arrivé, M. Nicolo Mavrocordato, gendre du prince Ghika, se rendit chez le comte Orlof, et, lui annonçant qu’il était porteur d’une lettre de son altesse pour l’empereur, il le pria de solliciter une audience pour lui et pour les autres membres de la députation. Le comte Orlof, qui porte un nom illustre en Russie, jouissait de toute la confiance de son maître, et avait pour ainsi dire une sorte de reflet de sa puissance. « Ah çà ! dit-il à M. Mavrocordato, quelle idée a donc eue votre prince de demander à remplir une mission de la part du sultan auprès de sa majesté ? — Mille pardons, monsieur le comte, le prince n’a rien demandé. — Comment, rien demandé ! Est-ce que nous ne savons pas toutes les intrigues qu’a faites à Constantinople M. Aristarki pour arriver à ce but ? — Mais M. Aristarki n’est pas l’agent du prince Ghika ; il représente le prince de Valachie. Le prince Ghika s’est borné à demander, dès le printemps l’autorisation d’envoyer une députation à Wosnesensk, pour y présenter ses hommages à l’empereur. Ce n’est que plus tard, et à la suite des démarches du prince Stirbey, que la Porte a eu l’idée de charger notre prince d’une mission personnelle auprès de sa majesté impériale de la part du sultan. Le prince a dû nécessairement l’accepter. — Ah ! s’il en est ainsi,