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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/83

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costume moderne franchement accepté, librement reproduit. Je dis librement et non pas inexactement, car, dans ces deux compositions, David a compris la nécessité d’assouplir le costume de notre temps, mais il n’a répudié aucun détail. L’épisode militaire où le général conduit ses troupes à l’ennemi se recommande par l’élan et l’énergie. Le cheval est très beau, et le cavalier qui anime ses soldats attire tous les regards par la mâle expression de sa physionomie. Les grenadiers placés derrière lui attendent la mort de pied ferme, et défendent leur vie avec une ardeur intrépide. Le seul défaut qu’on puisse signaler dans cet épisode, c’est le trop petit nombre des personnages. C’est un coin de bataille, et le spectateur voudrait avoir devant les yeux une scène plus étendue. Il est vrai qu’en multipliant les personnages, l’auteur pourrait se trouver amené à multiplier les plans, c’est-à-dire à violer les lois, à dépasser les limites de la sculpture. Je n’atténue pas le danger; je crois pourtant qu’il y aurait eu moyen de concilier les exigences du goût et les exigences de la curiosité. Tel qu’il est, ce bas-relief militaire demeure très digne d’attention, car il est vivant, et parmi les œuvres de ce genre exécutées de nos jours il y en a bien peu qui méritent cet éloge.

A mon avis, le meilleur des trois bas-reliefs est celui qui représente les funérailles du général Foy. L’orateur à la tribune, le guerrier animant ses troupes au combat, bien que traités avec une rare habileté, ne produisent pourtant pas une impression aussi profonde que la scène des funérailles. Toutes les têtes expriment la douleur. Le corps du général, porté sur les épaules par les jeunes gens qui pleurent sa perte, en dit plus que tous les chants funèbres. Les assistans se disputent l’honneur de ce fardeau précieux. Si de la partie expressive ou poétique nous passons à la partie technique, nos regards ne sont pas moins satisfaits. Ici la date n’est pas douteuse; il n’est pas permis de se méprendre sur le temps où la scène se passe. Nous sommes en 1825. La plupart des personnages dont se compose ce bas-relief sont des portraits, comme dans celui qui représente le général Foy à la tribune. On remarque Victor Hugo et Prosper Mérimée, dont la renommée commençait dès-lors à grandir. Le frac, la redingote et le pantalon n’offraient pas à la sculpture d’abondantes ressources. David, pour se tirer d’embarras, a élargi les basques et les pans et multiplié les plis. A l’aide de cette légère tricherie, il a réussi à composer un ensemble qui, sans pouvoir se comparer pour l’harmonie aux œuvres du même genre que l’antiquité nous a laissées, dissimule pourtant la mesquinerie du costume moderne. C’est la réalité, mais la réalité largement interprétée. La scène est bien comprise et bien rendue. En consultant les souvenirs de notre jeunesse, nous