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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/832

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le 24 au matin une députation de Bulgares vint annoncer au général en chef que la garnison turque avait quitté Matchine dans la nuit.

Dans cette expédition contre Matchine figuraient cinq mille stavrophores (croisés) qui avaient été levés et formés en corps dans les principautés par les soins des autorités russes et moldo-valaques avec les souscriptions des hégoumènes des couvens et des riches propriétaires grecs. Ce corps, levé ostensiblement pour défendre la religion chrétienne contre les musulmans, et dont la véritable destination était de fomenter des insurrections parmi les chrétiens de la Turquie, portait une coiffure sur laquelle brillait la croix. Il n’était en réalité composé que d’aventuriers grecs, bulgares, serbes, bohémiens, petits marchands ruinés, domestiques chassés, cuisiniers sans place, réunis par l’espoir du pillage ou l’attrait des vengeances personnelles. Ces croisés parcouraient les rues de Bucharest montés dans des birges (petites calèches), faisant retentir la ville de coups de pistolet et répandant la terreur parmi la population. La police fut même obligée de défendre aux habitans de Bucharest de sortir le soir pendant les offices du carême, parce qu’elle ne répondait pas de pouvoir empêcher les désordres et les violences. Dans les villes de district et les villages, les stavrophores commettaient les plus horribles excès, pillant et violant quand la population n’avait pas réussi à fuir et à emporter tout ce qu’elle avait de précieux. Tels étaient les défenseurs de la foi orthodoxe que les Russes n’avaient pas craint de prendre à leur service, et parmi lesquels s’étaient enrôlés comme officiers ou avaient figuré comme souscripteurs quelques-uns des fonctionnaires valaques ou des affidés de l’administration actuelle. Les cinq mille stavrophores qui avaient passé sur le territoire bulgare avec le prince Gortchakof commirent tant d’excès en entrant dans Matchine, envers leurs propres coreligionnaires, que dès le lendemain le général en chef russe les renvoya sur la rive gauche. Ce fut à l’intervention de l’Autriche que l’on dut dans les provinces danubiennes le désarmement de ces bandes, qui n’avaient pas craint d’abriter leurs violences sous un glorieux souvenir.

Le général Ouchakof fut moins heureux à Toultcha que le prince Gortchakof à Matchine. Il trouva de ce côté une grande résistance. Omer-Pacha pendant l’hiver avait fait élever par Mustafa-Pacha des redoutes hors de Toultcha, sur le point où le Danube se divise en plusieurs bras dont l’un conduit directement à Ismaïl. Ces redoutes étaient défendues par deux mille cinq cents hommes, dont douze cents d’infanterie régulière, et par huit pièces de campagne. Les Russes opérèrent le passage sur des radeaux, et bien qu’ils fussent au nombre de quinze mille, ils ne parvinrent à se rendre maîtres, des retranchemens turcs que lorsque des douze cents soldats réguliers il ne restait plus que cent soixante combattans. Les Turcs dans cette