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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/924

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une organisation nouvelle aux Légations, en introduisant l’élément laïque dans l’administration. Ces diverses considérations se sont reproduites naturellement dans les conversations qui ont eu lieu au sein du congrès. Nul n’a pu contester la gravité des faits, la nécessité d’une amélioration dans l’état de l’Italie. Lord Clarendon surtout se serait très énergiquement prononcé, et l’opinion du gouvernement français n’aurait pas été moins nette, sans aller peut-être aussi loin qu’a pu aller le plénipotentiaire anglais. Par malheur, c’était un échange d’opinions qui ne pouvait avoir de résultat précis au sein d’une assemblée dépourvue de toute mission relative à l’Italie. On a pu contester le titre officiel du Piémont à intervenir au nom de la péninsule ; on ne peut du moins mettre en doute ses intérêts, qui le rattachent à ceux de l’Italie tout entière, et il avait d’autant plus de droits à soulever ces questions devant la diplomatie européenne réunie, qu’il a offert l’exemple du désintéressement en se dévouant à la cause générale. Tôt ou tard du reste, il est trop aisé de le pressentir, les conseils de l’Europe seront forcés d’évoquer cette question italienne, qui semble chaque jour s’envenimer, au lieu de se dénouer paisiblement par le concours des peuples et des gouvernemens.

Les événemens qui ont ému l’Europe durant ces dernières années touchent à leur terme ; les affaires intérieures et les intérêts matériels suivent leur cours et pourront le suivre désormais en pleine liberté. Les questions se déroulent, se dénouent ou se transforment. C’est la marche ordinaire de la politique du monde, tandis que l’intelligence, par ses œuvres, par ses manifestations, par sa persévérante activité, vient, elle aussi, prouver qu’elle existe, qu’elle veut exister du moins et garder sa place dans ce mouvement des choses d’où elle semble souvent exilée. Sans doute, il n’est point d’homme, si éminent qu’on le suppose, il n’est point même de corps public, quelle que soit son importance, qui puisse se dire exclusivement chargé des affaires de l’esprit. Il n’est pas moins vrai qu’il y a des foyers naturels pour l’intelligence comme il y en a pour la politique. L’Académie française a le privilège d’être un de ces foyers ; c’est ce qui fait qu’elle attire depuis quelque temps l’attention par ses choix, qui deviennent l’objet de tous les commentaires, aussi bien que par l’éclat de ses séances, qui ont le mérite de ramener toujours sous la coupole de l’Institut une assemblée fidèle et attentive. Ainsi il en a été récemment encore lorsque M. le duc de Broglie a fait son entrée solennelle à l’Académie. Cette séance de réception, au moins aussi politique que littéraire, devait avoir un intérêt à la fois sérieux et piquant par tous les souvenirs qui s’éveillaient naturellement, par le caractère du nouvel élu, par toutes ces coïncidences ou ces contrastes de situations que le hasard des circonstances amène parfois. M. de Broglie a été reçu par M. Nisard, et il succédait, comme on sait, à M. de Sainte-Aulaire, à un homme de son temps, de son rang et de ses habitudes. Bien que M. de Sainte-Aulaire ait fait sa carrière dans les grands emplois publics, bien qu’il ait été tour à tour préfet sous l’empire, député sous la restauration, pair de France, ambassadeur à Rome, à Vienne et à Londres sous la monarchie de juillet, il ne parait pas que sa vie ait été bien agitée, puisque ni M. de Broglie, ni M. Nisard, ni M. de Barante, qui a écrit sur lui une Notice, n’ont relevé aucun incident particulièrement saillant. C’était un homme sensé, ingénieux et bienveillant,