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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/95

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tiennent pas à la connaître; si l’œuvre de David était belle en même temps que vraie, ils changeraient de sentiment.

J’ai dit que cette figure ne doit pas être proposée pour modèle, et je crois facile de justifier mon opinion. Cependant je ne voudrais pas laisser croire que le Philopœmen n’est pas à mes yeux un ouvrage très digne d’attention, très digne d’étude. Quoique David, en le composant, n’ait songé qu’à l’imitation, quoiqu’il ait négligé toute la partie poétique de son art, cette figure occupera toujours un rang très élevé dans l’école française. L’imitation poussée à ce point révèle un tel savoir, une telle persévérance, que, sans dispenser de l’invention, elle excite la sympathie de tous les esprits studieux. Elle ne remplace pas l’élévation du style, mais elle atténue les regrets que nous inspire l’oubli de cette condition impérieuse. Si la main qui a modelé cette figure eût été guidée par une imagination éprise de la beauté, nous aurions un chef-d’œuvre. La beauté manque, il nous reste une imitation fidèle et savante du modèle vivant. En étudiant le Philopœmen, les jeunes statuaires apprendront en même temps jusqu’où peut aller l’habileté technique, et combien elle est insuffisante lorsqu’on la sépare de l’invention et de l’élévation du style. Ils ne peuvent espérer de se montrer plus habiles; c’est une raison de plus pour s’attacher à l’invention, pour choisir avant d’imiter, pour concilier l’harmonie linéaire avec la vérité de l’expression. C’est à cette condition seulement qu’il leur sera donné d’émouvoir. Aux sujets héroïques le style héroïque. Tous ceux qui l’oublieront produiront des œuvres incomplètes. Le Philopœmen ne laisse aucun doute à cet égard; c’est un argument sans réplique. L’imitation n’ira jamais plus loin, jamais la nécessité de l’invention ne sera mieux démontrée.

Le fronton du Panthéon a soulevé plus d’une objection. Cependant, si ce n’est pas un ouvrage à l’abri de tout reproche, c’est une composition qui témoigne d’une rare habileté. Le plus grave reproche qu’on ait adressé à David, c’est d’avoir choisi tous ses personnages, à l’exception d’un seul, parmi les hommes du XVIIIe siècle. Cette accusation n’est pas sans valeur, et doit être prise en considération. La légende inscrite au fronton : aux grands hommes la patrie reconnaissante, conseillait en effet de ne pas restreindre au siècle dernier le choix des personnages. Que le XVIIIe siècle, malgré les attaques nombreuses dirigées contre lui depuis quelques années, doive compter parmi les plus glorieux de notre histoire, ce n’est pas moi qui le contesterai. Je ne comprends pas même qu’on ait essayé de mettre en doute la grandeur de ses vœux et la légitimité de ses conquêtes. Le maudire, c’est tout simplement nier le progrès et demander la résurrection du passé. Toutefois, quelle que soit