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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/154

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ÉTUDES
SUR
L’INDE ANCIENNE ET MODERNE

I.
LES BRAHMANES ET LES ROIS.


Un navigateur arabe qui se rendait de Bassorah en Chine raconte qu’il aperçut un jour sur la côte de Malabar, aux environs de Ceylan, un pénitent hindou assis dans l’attitude de la méditation, la face tournée vers le soleil, et n’ayant pour tout vêtement qu’une peau de panthère roulée autour des reins. « Seize ans après, ajoute le voyageur, je retournai dans le même pays, et je retrouvai cet homme dans la même situation. Ce qui m’étonna le plus, ce fut que son corps n’eût pas été fondu par la chaleur[1] ! » Ce pénitent immobile, plongé dans la contemplation durant tant d’années, offre une image parfaite de l’Inde elle-même, qui pendant près de trente siècles a médité sur l’essence et les attributs de la Divinité, comme aussi sur la nature et les destinées de l’homme. Elle a dogmatisé par la bouche de ses brahmanes, elle a chanté aussi les exploits de ses héros dans une langue savante et harmonieuse ; mais tandis que tout se modifiait autour d’elle, ceux qui l’étudiaient à mille ans d’intervalle la retrouvaient dans la même attitude, livrée aux mêmes pensées. Entraînée par son génie rêveur et mystique dans les sphères

  1. Relation des Voyages faits par les Arabes et les Persans dans l’Inde et à la Chine, etc., par M. Reinaud, de l’Institut.