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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/196

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deux cent mille ans, savoir : cent mille ans avant et cent mille ans après l’an 1800, pour les quatre planètes Mercure, Vénus, la Terre et Mars, on ne voit rien qui autorise une crainte sérieuse pour Mercure, et même jusqu’à l’an 101800 son orbite se perfectionne et l’excentricité diminue un peu. Vers l’an 11,800, l’orbite de Vénus sera un cercle parfait, ce qui aura lieu pour la Terre environ dans 25,000 ans d’ici. Quant à Mars, il n’y a rien de remarquable. Laplace a beaucoup insisté sur cette merveilleuse qualité que possèdent les formules astronomiques de prédire l’avenir et de savoir le passé, mais ces symboles transcendans ne rendent leurs oracles qu’à ceux qui savent les consulter, et peu de génies sont de force à voir dans leurs inextricables complications ce qu’elles ont à dire à la science curieuse. Une seule remarque fera voir cependant comment l’héritage des siècles s’enrichit de jour en jour : c’est que dès qu’une vérité a été reconnue, elle est désormais acquise au trésor de l’intelligence humaine et ne rentrera plus dans le domaine malheureusement si vaste de l’inconnu, sans compter le domaine encore plus grand de l’inconnaissable, c’est-à-dire des notions qui seront à jamais inaccessibles à l’homme des siècles futurs, comme elles l’ont été à l’homme des siècles passés.

Tâchons de donner une idée de la manière dont on peut tirer des formulés ces déductions, qui font tant d’honneur à la science. En général le monde est organisé dans un état de balancement ou d’équilibre qui, sans être la régularité parfaite, revient périodiquement à son ancien état et par suite brave la durée des siècles. Ainsi les petites altérations dans la marche des planètes se compensent au bout de longues périodes et ramènent le système à son point de départ. On avait pu présumer que le soleil, qui d’année en année vient un peu moins prés de nos têtes au premier jour de l’été, ne finît par rester dans l’équateur et ne nous amenât un beau printemps perpétuel, très poétique sans doute, mais très peu favorable aux besoins des peuples qui veulent des blés mûrs, des raisins et des fruits. On connaît la boutade d’Horace Walpole, qui déclarait qu’en Angleterre tous les fruits sont verts, excepté ceux qui sont cuits. Le jeu de mots, fort mal rendu en français, porte sur le mot de fruits verts, qui en anglais signifie aussi fruits non mûrs. Le même Walpole disait qu’en son pays le meilleur soleil de printemps est fait de bon charbon de terre de Newcastle. Après cela, laissons les poètes vanter les charmes de la saison des giboulées. « J’oserais croire, dit Virgile, qu’à l’origine du monde ce sont les jours égaux aux nuits qui ont éclairé la nature de leur douce lumière. » Il régnait un printemps perpétuel, et les tièdes zéphyrs caressaient des fleurs qui naissaient sans être semées.