Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Père, lui répondit le fortuné Cyrille,
Vos cinq figuiers sont beaux, votre arpent est fertile,
Votre vache a le flanc lustré comme un émail ;
Elle est féconde en lait, vigoureuse au travail.
Gardez les cinq figuiers, gardez l’arpent de terre,
Gardez la vache aussi ; je suis propriétaire.
J’ai d’ailleurs mes deux mains, elles travailleront.
Ce n’est pas une dot que je veux, c’est Clairon !
Puis il balbutia cette courte formule :
Pour promener Clairon, j’accepterai la mule.
Au beau-père attendri le gendre ainsi parla.
Regardez maintenant la belle, admirez-la :
Le long des prés, dont l’herbe au soleil étincelle,
Comme elle a l’air heureux, et qu’elle est bien en selle !


PENDANT LA MOUSSON


Ils n’avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.
(La Fontaine)

En juillet, par le plein soleil,
Cherchant un peu d’ombre, un lit d’herbes,
Des moissonneurs au front vermeil
S’étaient assis près de leurs, gerbes.

Sous un vieux frêne hospitalier,
Oubliant le poids des faucilles,
Ils mangeaient, cercle familier
De joyeux gars, de brunes filles.

C’était un charme de les voir
Échanger entre eux les rasades,
Et rompre gaîment leur pain noir,
Et croquer les vertes salades.

Le taillis, les eaux, les grands blés,
La terre même qui poudroie,
Autour des groupes attablés
Tout respirait amour et joie.

Deux musiciens passant par là,
Vagabonds d’aspect germanique,
À grands cris on les appela :
— Faites-nous donc votre musique !

Eux d’obéir. L’un, svelte et blond,
Figure étrange, mais honnête,