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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/503

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au moins à l’état de larve. Ce sont les larves des pucerons qui, réunies en familles innombrables, recouvrent quelquefois des branches entières de nos arbres fruitiers, la tige de nos fleurs, de nos légumes[1]. Presque toujours immobiles, leur longue trompe profondément enfoncée dans l’écorce, elles semblent ne pouvoir exécuter d’autre mouvement que de relever de temps à autre leur gros abdomen arrondi et terminé par deux petits tuyaux en forme de cornes mobiles. À chaque fois, une goutte de liquide sucré s’échappe par ces orifices, et d’ordinaire il se trouve dans le voisinage quelques fourmis prêtes à happer cette miellée, qui, au dire de Hubert, l’habile observateur de ces insectes, serait peut-être leur seule nourriture. Complètement développées, ces larves deviennent de jolis insectes, pourvus de quatre ailes diaphanes, presque deux fois plus longues et plus larges que le corps entier, et soutenues par quelques rares nervures. On le voit, jusqu’ici rien de bien nouveau n’apparaît dans l’histoire de ces hémiptères.

Les larves seules furent d’abord l’objet des observations de Leuwenhoek, de La Hire, de Réaumur. Ce dernier, entraîné par d’autres recherches, engagea plus tard Bonnet à les prendre pour sujet de ses expériences, et le naturaliste genevois justifia pleinement la confiance de son illustre maître. Déjà l’on savait que les pucerons mettent au monde des petits vivans ; on soupçonnait que chez eux chaque individu suffit aux nécessités de la reproduction. Pour s’en assurer, Bonnet isola un de ces jeunes insectes dès après sa naissance, et releva en captivité en prenant les précautions les plus minutieuses pour lui interdire toute relation avec d’autres individus.

  1. Les pucerons (aphis) sont des insectes appartenant à l’ordre des hémiptères, c’est-à-dire au groupe qui renferme les cigales, les punaises, etc. Ils forment un genre très nombreux, et dont, les espèces sont loin d’être toutes connues. Ces insectes sont de véritables parasites qui vivent sur les végétaux, et dans nos climats tempérés il n’est guère de plante qui ne nourrisse son espèce particulière de pucerons, soit sur ses branches, soit sur ses feuilles, soit autour de ses racines. Ils deviennent beaucoup plus rares au midi et au nord, et on assure qu’il n’en existe aucun en Amérique. Plusieurs espèces de pucerons peuvent être comptées parmi les insectes nuisibles. Depuis longtemps, Réaumur a reconnu que leurs piqûres multipliées non-seulement épuisent les végétaux, mais encore déterminent la formation de nodosités et altèrent les tissus. Le puceron lanigère (lachnus laniger), qui s’attaque surtout aux pommiers, a plusieurs fois ravagé les plantations de la Normandie. Cette espèce, qui semble être une de ces acquisitions désastreuses que nous valent parfois les relations commerciales, s’est montrée, selon M. Tongard, en Angleterre dès 1787. Elle aurait pénétré en France en 1812 par les départemens des Côtes-du-Nord, de la Manche et du Calvados. En 1818, elle aurait paru à Paris dans le jardin de l’école de pharmacie, et aurait envahi les départemens de la Seine-Inférieure, de la Somme et de l’Aisne en 1822. Enfin elle se serait montrée en Belgique en 1827. Depuis quelques années seulement, ce redoutable petit insecte a gagné quelques-uns des départemens méridionaux, sans qu’on ait encore découvert un moyen sûr de le combattre.