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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/229

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initiative dans le moment où il eût été le plus nécessaire d’agir avec décision, ensuite parce que, malgré ses services, le général O’Donnell, aux yeux de beaucoup de personnes, portait encore la tache de Vicalvaro ; enfin parce que le cabinet avait désormais en face de lui le personnage éminent qui est aujourd’hui à la tête du pouvoir, le général Narvaez, arrivé depuis peu à Madrid, et qu’il est toujours dangereux d’avoir si près de soi un compétiteur qui ne demande pas mieux que de mettre au service du trône de grandes qualités souvent éprouvées. Si le duc de Valence n’agissait point par lui-même, ses amis agissaient pour lui. A leurs yeux, l’étape du ministère O’Donnell était finie, il fallait en commencer une autre.

Sur ces entrefaites arrivait le bal donné par la reine, le 10 octobre dernier, pour l’anniversaire de sa naissance. Le matin même, Isabelle se montrait très bienveillante pour ses ministres, aucun nuage n’apparaissait encore à l’horizon. Le soir, la scène changeait considérablement. Les prévenances royales allaient chercher le général Narvaez dans la foule des invités du palais. Le général O’Donnell ne tarda pas à s’en apercevoir, et s’en inquiéta au point d’en parler à la reine, qui ne fit que s’en divertir et reprit ses entretiens avec le duc de Valence. Dès ce moment, le ministère était frappé à mort. Le lendemain en effet, le président du conseil se présentait au palais pour offrir sa démission à la reine, qui ne fit point de réponse. Isabelle hésitait visiblement ; elle ne finit par se décider que dans la nuit suivante, et elle mandait aussitôt le général Narvaez pour le charger de former un cabinet. Ce qu’il y a de curieux, c’est que dans cet instant on s’adressait au ministre des travaux publics, M. Collado, pour avoir la démission de ses collègues et la sienne. Un personnage du palais, le comte d’Onate, fut chargé de cet office. M. Collado, trouvant sans doute qu’il était trop matin, voulut attendre le jour. Peu d’heures après, le comte d’Onate allait, par ordre de la reine, chez le général O’Donnell lui-même pour l’inviter à porter sa démission dans la journée, ce qui fut accompli. C’est alors qu’intervenait l’affaire de la loi de désamortissement pour colorer une retraite qui s’expliquait par toute sorte de motifs, excepté par celui-là. Ainsi disparaissait le cabinet du général O’Donnell. On connaît aujourd’hui les membres du nouveau ministère, qui n’ont pas tous une égale importance. Au reste, tout se résume ici dans un nom, celui du général Narvaez, appelé de nouveau à régir les destinées de l’Espagne et à replacer son pays dans les conditions d’un ordre régulier.

Mais comment le général Narvaez réussira—t-il dans cette tâche laborieuse ? Jetons un voile, si l’on veut, sur l’origine du cabinet actuel de Madrid, écartons ces détails personnels qui occupent pourtant une si grande place dans la politique espagnole ; il reste un gouvernement animé de l’esprit le plus conservateur. Le nouveau ministère n’en est point à manifester sa pensée et ses tendances ; il a repris l’œuvre du dernier cabinet, il l’a remaniée, refondue et appropriée à son système. C’est ainsi qu’en consacrant le rétablissement de la constitution de 1845, il a supprimé l’acte additionnel proposé par M. Rios-Rosas. Les lois de 1845 sur les municipalités et les conseils provinciaux ont été remises en vigueur. La loi de désamortissement a été définitivement suspendue. Le concordat avec le saint-siège a retrouvé toute son autorité. Le ministère ne s’est point borné à ces mesures générales ; il a