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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/31

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Quatrième Bulletin de nouvelles (1787).

« Les affaires publiques ont tellement occupé depuis six mois tout Paris, que non-seulement elles ont été seules le sujet de l’intérêt général, mais que les événemens particuliers eux-mêmes, je crois, ont été plus rares, et que personne n’a voulu être extraordinaire dans un moment où l’on s’en serait si peu aperçu. Dans l’instant où j’ai su le départ du courrier de votre majesté, j’ai commencé à m’affliger de ce que mes amis et mes connaissances eussent été assez peu raisonnables et assez insipides depuis six mois pour ne me rien fournir à mander à votre majesté.

« M. Le duc d’Orléans s’ennuie fort à Villers-Cotterets : il a écrit au roi pour obtenir la permission de revenir au Raincy, maison de campagne qu’il a à quatre lieues de Paris; mais on le lui a refusé. Il s’est fait du tort par cette demande, car, pour conserver tous les honneurs du courage, il ne faut pas se reconnaître coupable, et c’est l’être que de demander d’être moins puni. On disait à l’archevêque de Toulouse qu’en exilant le duc d’Orléans il allait lui donner de la considération. «Je le connais, répondit-il; il ne la prendra pas. » L’on a été fort sévère pour toutes les demandes qui ont été faites d’aller à Villers-Cotterets. On ne conçoit pas cependant ce qui peut porter le gouvernement à ajouter de la rigueur à cet exil que l’opinion publique n’a pas approuvé.

« Mme de Genlis a parfaitement réussi dans son éducation des fils de M. Le duc d’Orléans, et tout le ridicule de sa nomination est effacé par le succès.

« C’est assez l’habitude de M. Le duc d’Orléans de ne pas choisir pour les places dont il dispose ceux qui y semblent destinés. Par exemple M. Ducrest ayant donné sa démission de la place de chancelier, il a fait venir un capitaine de vaisseau et lui a proposé cette place. M. de La Touche a cru qu’on se moquait de lui; il est retourné chez le duc d’Orléans en habit d’uniforme : « Monseigneur, lui a-t-il dit, j’ai mis cet habit afin de vous rappeler, si par hasard vous l’avez oublié, que je suis marin, que je ne sais pas seulement faire une addition, et que je suis incapable de la place que vous m’offrez. — C’est bien cela que je veux, lui a répondu le duc d’Orléans. » M. de La Touche, après avoir bien constaté son incapacité, s’est soumis à recevoir 100,000 livres de rente, puisque telle était la volonté de M. Le duc d’Orléans. Il a tant de gaieté dans l’esprit que je crois quelquefois qu’un des motifs de ses actions, c’est de prendre le parti qui fera le plus rire les autres et lui. Il ne renoncerait pas pour rien au monde à se moquer de ce qu’il fait.

« Mme la maréchale de Noailles est de toutes les dévotes catholiques la plus folle et la plus superstitieuse. Sans cesse en correspondance avec le pape, elle soutient la foi et prêche l’intolérance comme un père du désert dans le XIVe siècle. Dès qu’elle a su que le roi avait envoyé au parlement le projet de l’édit pour l’état civil des protestans, elle est entrée dans un accès de rage et de désespoir qui la conduira au tombeau, si, comme il est probable, l’édit passe. Elle a fait écrire un ouvrage que votre majesté recevra par son courrier, qui rassemble tous les événemens de l’histoire dans lesquels les